Comment les lobbys des agriculteurs et de la viande ont eu la peau du steak végétal
Dans la bataille du "steak", la victoire aura été de courte durée. Les défenseurs des produits à base de protéines végétales, tels que l'organisation Protéines France, qui représente les industriels de la filière des protéines végétales (Herta, Happyvore, etc.), avaient gagné un peu de temps après que le Conseil d'État eut validé une requête visant à annuler un décret de 2022 interdisant les appellations telles que "steak" ou "lardon" pour les produits à base de protéines végétales.
La juridiction s'était prononcée en droit, alignée sur la position européenne, qui autorise l'usage des termes d'origine animale, sauf pour les produits à base de lait.
Il semblait donc que la question était réglée. Les amateurs de viande n'auront pas le monopole du cœur de bœuf, ni celui de l'onglet ou du rumsteak.
Cependant, les lobbys agricoles, ayant remplacé les arguments juridiques par des blocages de routes, ont finalement obtenu gain de cause.
Après quelques occupations de ronds-points et des déversements de fumier sur la voie publique, ils ont obtenu un nouveau décret, publié ce mardi 27 février, qui précise à nouveau la liste des dénominations réservées aux produits d'origine animale, et donc interdites pour les produits végétariens.
Le nouveau texte détaille notamment, en deux listes, les termes réservés aux produits d'origine animale ou contenant très peu de protéines végétales. Parmi les "termes dont l'utilisation est interdite pour la désignation de denrées alimentaires comportant des protéines végétales" se trouvent : filet, faux filet, rumsteck, escalope, bifteck, jambon, flanchet ou paleron.
Sont également interdits pour la commercialisation ou la promotion des produits contenant des protéines végétales les termes "faisant référence aux noms des espèces et groupes d'espèces animales, à la morphologie ou à l'anatomie animale".
Ainsi, adieu veaux, vaches, cochons, associés aux termes végan ou végétal.
Selon le décret, certains termes pourront être utilisés pour des denrées alimentaires "d'origine animale pouvant contenir des protéines végétales", sous réserve de respecter une part maximale en pourcentage de végétal. Il s'agit de produits où les ingrédients végétaux "ne se substituent pas aux denrées d'origine animale mais sont ajoutés en complément de ces dernières dans le cadre de ces assemblages".
On y trouve des appellations comme andouille, bacon, chorizo, cordon-bleu, jambonneau, lardons, pastrami, pâté ou encore terrines, rosette et saucisse (à cuire, à frire, à griller, lorraine, de Toulouse, d'Alsace, de Lyon...).
Mais rassurez-vous, les règles européennes, elles, ne changent pas aussi vite que l'humeur d'un Premier ministre sur un ballot de paille.
"Les produits légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre État membre de l'Union européenne ou dans un pays tiers" conservent également leur autorisation, précise le gouvernement dans le texte, qui entre en vigueur trois mois après sa publication. Il est ajouté que l'utilisation de termes du règne animal pour les arômes reste également autorisée.
Le décret prévoit des amendes maximales de 1 500 euros pour une personne physique et de 7 500 euros pour une entreprise, ainsi qu'une période de transition d'un an pour écouler les stocks existants.
Ce décret devrait donc faire des heureux : les associations et les banques alimentaires devraient récupérer des stocks de produits végétaux invendables. Cochon qui s'en dédie !
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