Le juteux business du halal en passe de dépasser le marché du bio en France ?
7 milliards d'euros. Voilà ce que pèse aujourd'hui le marché du halal dans l'Hexagone, qui serait, selon Abbas Bendali, directeur d'un cabinet spécialisé dans le marketing identitaire, aujourd'hui deux fois plus important que celui du bio. Est-ce réellement le cas ?
Depuis plus d'une décennie, le secteur du halal enregistre une croissance de 15 % chaque année. Aujourd'hui, 10 millions de Français achètent régulièrement des produits halal. Parmi ces consommateurs, plus de 3 millions seraient non-musulmans.
Selon Abbas Bendali, le "bon rapport qualité-prix" de ce marché est son principal levier d'attraction, qui lui permet de gonfler sa cible potentielle en France. Cependant, le secteur est particulièrement exposé aux effets de l'inflation. En effet, depuis la hausse des coûts des matières premières et de l'énergie, les prix des produits halal ont, en moyenne, augmenté de 12,45 %. C'est deux fois plus que taux inflationniste moyen identifié dans l'Hexagone. Cela ne semble toutefois pas freiner son développement.
67 % des personnes de confession musulmane achètent uniquement de la viande halal
La cible du marché du halal est tout de même majoritairement composée de consommateurs musulmans. En effet, parmi les quelque 6 millions de musulmans en France, 67 % d'entre eux choisissent "systématiquement" de la viande halal et 15 % en achètent "la plupart du temps", comme l'indique un sondage Ifop publié à la fin de l'année 2020. De même, près de 7 personnes de confession musulmane achètent des desserts, des chocolats ou des bonbons halal. Ils étaient seulement 40 % il y a une dizaine d'années.
"Cette tendance se renforce chez les jeunes générations. Alors que 21 % des plus de 50 ans achètent des produits surgelés halal, cette proportion passe à 32 % chez les moins de 35 ans", analyse le politologue Jérôme Fourquet dans l'étude publiée en 2020. De son côté, l'institut Montaigne identifiait déjà en 2016 une certaine disparité chez les consommateurs du marché : "La consommation de nourriture halal devient un marqueur d'appartenance au groupe social des musulmans, y compris chez les individus n'étant pas - ou peu - religieux".
Le marché du halal investit également le secteur du tourisme
Produits cosmétiques, pharmaceutiques... Même si 80 % du business du halal concerne la viande, ce développement s'accompagne par l'élargissement de l'offre halal, qui ne se limite plus au secteur de l'alimentation. "Quand on parle de cosmétiques halal, on parle de produits qui ne contiennent pas de produits chimiques, qui respectent l'environnement et donc c'est tout ce qui est bio, naturel", expose Wassilia Ouldchik, co-organisatrice du Sommet mondial du halal qui s'est tenu en Turquie à la fin de l'année 2023.
Le tourisme halal s'est, parallèlement, peu à peu développé dans l'Hexagone : "Pour délivrer un certificat halal dans le tourisme, on va regarder si les hôtels fournissent de la nourriture halal ou non, s'ils servent de l'alcool. On va aussi vérifier si, dans les chambres, une flèche indique la direction de la Mecque, s'il y a un tapis de prière, un Coran. Il y a donc toutes ces règles pour les voyageurs musulmans parce qu'ils veulent aller en Europe, en Asie, en Amérique, en Afrique tout en préservant leurs valeurs", explique Murat Yas, professeur à l'université Marmara, spécialiste de l'économie halal, au micro de Franceinfo.
L'industrie du bio encore devant celle du halal... Mais pour combien de temps ?
De quoi dépasser le marché du bio en France, comme le prétend Abbas Bendali ? Pas vraiment à en croire les chiffres de l'Agence Bio. Effectivement, même si le secteur est en déclin depuis plusieurs années, il affiche des résultats encore importants : en 2022, il a enregistré un chiffre d'affaires de 12 milliards d'euros (- 4,6 % par rapport à 2021). C'est encore 5 milliards d'euros en plus que le marché du halal. Mais la croissance identifiée entre 2015 et 2019 (+16 % en 2018, +13 % en 2019) représente déjà un lointain souvenir pour le marché du bio.
Et la première moitié de l'année 2023 ne vient pas interrompre cette tendance déclinante, loin de là : selon NielsenIQ, les ventes de bio en volume ont reculé de 8,6 % au premier semestre de 2023. À ce rythme, les courbes des marchés du bio et du halal pourraient bel et bien se croiser d'ici quelques années.
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