Les retards dans le lancement du lanceur de fusée Ariane 6 de nouvelle génération ont laissé l'Europe sans moyen indépendant pour lancer ses missions dans l'espace.
Les retards dans le lancement du lanceur de fusée Ariane 6 de nouvelle génération ont laissé l'Europe sans moyen indépendant pour lancer ses missions dans l'espace. AFP

L'Agence spatiale européenne a annoncé lundi qu'elle organiserait un concours entre entreprises pour construire un navire destiné à livrer du fret à la Station spatiale internationale, une première étape potentielle vers des missions indépendantes transportant des astronautes.

Les 22 États membres de l'ESA, dont les ministres de l'Espace se réunissaient lors d'un sommet de deux jours dans la ville espagnole de Séville, ont également convenu de fournir un soutien financier à la fusée européenne Ariane 6, longtemps retardée.

Le sommet intervient à un moment difficile pour les efforts spatiaux européens, car les retards d'Ariane 6 ont laissé le continent sans moyen de lancer indépendamment ses missions dans l'espace.

L'Europe est également confrontée à une concurrence croissante non seulement de la part des États-Unis, mais aussi de nouveaux acteurs comme la Chine et l'Inde, ainsi que d'entreprises privées telles que SpaceX du milliardaire Elon Musk.

Le chef de l'ESA, Josef Aschbacher, a déclaré lors du sommet qu'" une nouvelle économie se développe en orbite terrestre basse qui transformera l'exploration spatiale ", ajoutant que " les entreprises privées révolutionnent le paysage, des lanceurs à l'exploration ".

Aschbacher a proposé "une compétition entre entreprises européennes innovantes" pour développer un navire capable de transporter du fret vers l'ISS d'ici 2028, puis de le ramener sur Terre.

Le projet nécessitera "des capacités de transport, d'amarrage et de rentrée, ce que l'Europe ne possède pas aujourd'hui", a-t-il ajouté.

"Le véhicule de service pourrait ensuite évoluer vers un véhicule d'équipage et desservir d'autres destinations au-delà de l'orbite terrestre basse", a-t-il déclaré.

Aschbacher a également appelé l'Europe à décider de l'ampleur de ses ambitions spatiales. En avril, des experts ont appelé dans un rapport commandé par l'ESA à l'Europe d'établir une "présence soutenue" sur la surface de la Lune.

Une source proche des négociations a déclaré à l'AFP que "si nous voulons réaliser des vols habités, (le concours des cargos) est la première étape".

"Il faut pouvoir envoyer un cargo jusqu'à une gare et revenir. C'est la première brique", a ajouté la source.

Aschbacher a déclaré que 75 millions d'euros (80 millions de dollars) avaient été obtenus pour financer la première phase du projet, à laquelle les entreprises contribueraient également.

La société Exploration, une start-up franco-allemande développant déjà un véhicule pour livrer du fret à d'éventuelles futures stations spatiales privées, s'est félicitée de la nouvelle.

"C'est une nouvelle ambition pour l'Europe", a déclaré à l'AFP la PDG du groupe, Hélène Huby.

Huby a déclaré que l'approche " raisonnable " de l'ESA suivait la feuille de route de SpaceX et des programmes spatiaux américains, russes et chinois.

"On commence par le cargo et ensuite on envoie des gens", a-t-elle expliqué.

Le concours indique une nouvelle approche de l'ESA basée sur le modèle de l'agence spatiale américaine NASA, ce qui signifie que pour ses futures missions, elle pourrait acheter un tour sur les fusées d'entreprises privées plutôt que de développer ses propres programmes de ce type.

Cette idée semble entrer en conflit avec le principe de retour géographique de l'ESA, qui stipule que l'investissement de chaque pays devrait générer un bénéfice industriel à peu près égal pour ses entreprises.

Aschbacher suggère de remettre en question ce principe.

Le sommet visait également à résoudre la " crise des lanceurs " en Europe, qui, selon Aschbacher, est " la plus grave " de l'histoire des efforts spatiaux du continent.

Déjà retardée de quatre ans, la fusée européenne Ariane 6 de nouvelle génération ne devrait pas effectuer son vol inaugural avant l'année prochaine.

L'Europe a perdu l'accès aux fusées russes Soyouz après l'invasion de l'Ukraine par Moscou l'année dernière, et son plus petit lanceur Vega C est toujours cloué au sol après l'échec de son premier vol commercial en décembre.

L'ESA a annoncé lors du sommet que le programme Ariane 6 recevrait 340 millions d'euros (365 millions de dollars) à l'issue de négociations entre la France, l'Allemagne et l'Italie, les trois principaux contributeurs de l'agence.

La fusée Vega C pourrait être subventionnée à hauteur de 21 millions d'euros par an de son 26e au 42e vol, ajoute-t-on.

L'ESA a également annoncé qu'elle "exploiterait l'espace pour un avenir plus vert".

La semaine dernière, l'ESA et l'Union européenne ont convenu d'unir leurs forces pour accélérer le recours aux missions d'observation de la Terre pour collecter des données sur le changement climatique.