Horlogerie : La revanche du Made in France
À partir du 23 novembre prochain, les libraires installeront dans leurs étagères Idées reçues sur l'horlogerie, le dernier livre de Patrice Besnard, ancien délégué général de France Horlogerie. À cette occasion, nous l'avons interrogé pour comprendre la place qu'occupe l'Hexagone dans le marché mondial de l'horlogerie.
L'auteur propose ainsi aux lecteurs un "voyage au coeur du temps" et un panorama sur le secteur de l'horlogerie, d'un point de vue national et mondial : "L'idée reçue la plus répandue est celle qui sous-entendrait que l'horlogerie est née en Suisse. C'est totalement faux ! La France est le véritable berceau de l'horlogerie mécanique puisqu'elle développait déjà le marché sous la Renaissance, avec notamment l'impulsion du roi Louis XIV au XVIIe siècle", confie Patrice Besnard à IBTimes France.
La force de l'horlogerie suisse s'est en revanche accentuée au XXe siècle, avec l'apparition de nombreuses marques comme Rolex ou Swatch. "De nos jours, l'horlogerie suisse s'est plutôt positionnée dans le haut de gamme car depuis peu, ses positions d'entrée de gamme ont été en partie balayées par l'horlogerie chinoise et japonaise. Malgré tout, la Suisse reste leader du marché en termes de valeur", expose-t-il.
En effet, alors que la Suisse produit un peu plus de 15 millions de montres par an, soit à peine plus de 2 % du secteur global, elle occupe plus de 50 % du marché horloger mondial en valeur, avec un chiffre d'affaires toutes marques confondues estimées à plus de 50 milliards de francs suisses (environ 52 milliards d'euros). Le prix moyen des montres suisses explique ces résultats : il dépasse les 1 000 euros alors que celui des montres chinoises avoisine plutôt les 50 euros.
Et la France dans tout ça ?
Contrairement aux idées reçues, l'Hexagone possède donc une certaine expertise de l'horlogerie : "Le savoir-faire français s'explique là encore par l'attachement du Roi Soleil à ce secteur. Il a su allier la dimension technique et la dimension artistique. De même, de nombreux métiers autour de l'art décoratif et de l'horlogerie ont été développés durant cette période charnière pour le secteur en France", relate le passionné d'horlogerie.
Et cette expertise est toujours de mise : "Ce savoir-faire s'est prolongé jusqu'à aujourd'hui, malgré les différentes crises que le secteur a subi, notamment grâce au maintien d'une école d'horlogerie dans le Jura français", explique l'auteur de Idées reçues sur l'horlogerie.
Aujourd'hui une cinquantaine de marques françaises sont répertoriées, parmi lesquelles figurent Lip, Herbelin et Pierre Lannier. Ces dernières sont d'ailleurs les plus importantes du marché hexagonal (selon leur chiffre d'affaires).
Pour Pierre Burgun, vice-président de France Horlogerie et PDG de la maison Pierre Lannier, un bel avenir attend ce marché français : "Nous pouvons affirmer que l'horlogerie française rayonne de nouveau ! Ces dernières années, un nombre incroyable de jeunes marques ont été créées dans notre pays par des entrepreneurs qui avaient envie de fabriquer des montres de qualité et made in France. Les consommateurs font de plus en plus attention à ce qu'ils achètent et portent beaucoup d'intérêt pour les produits fabriqués en France", explique-t-il à IBTimes France.
Les chiffres confirment cette analyse. En 2022, le chiffre d'affaires relatif à l'ensemble du marché français atteignait 381 millions d'euros, soit le meilleur niveau depuis les 20 dernières années. "C'est 12 % de plus par rapport à 2020 !", s'enthousiasme Pierre Burgun. Le secteur français - comptant près de 3 000 salariés - se porte donc plutôt bien. "La balance commerciale s'approche d'ailleurs de l'équilibre alors qu'elle a longtemps été très déficitaire. Nous sommes tout de même les quatrièmes exportateurs du marché mondial, derrière la Suisse, la Chine et Hong Kong", indique Patrice Besnard. Et ce, alors qu'aujourd'hui encore, seules 2 % des montres vendues en France sont françaises.
Parallèlement, l'État entend renforcer ses efforts pour développer le secteur : "La montre fait partie des cinq objets du quotidien soutenus par l'État pour favoriser leur réindustrialisation (avec le textile, le vélo, le jouet et la chaussure)", souligne Pierre Burgun. Effectivement, le gouvernement a investi 3 millions d'euros dans le secteur de l'horlogerie en 2022, dans le cadre du plan France Relance.
Montres connectées, téléphones portables... Le secteur de l'horlogerie résistera-t-il à l'air du temps ?
L'apparition des téléphones portables et, plus récemment, des montres connectées représente-t-elle un frein au développement de l'horlogerie française ? Absolument pas, selon le vice-président de France Horlogerie : "Même si Apple domine largement le marché, notre industrie développe également ses propres montres connectées avec notamment celles de la marque Withings. Ses montres ne sont pas destinées au grand public mais elles présentent une plus-value importante pour le domaine médical par rapport à la marque américaine", affirme-t-il.
En ce qui concerne la tendance généralisée selon laquelle une grande partie de la population regarde désormais l'heure sur son téléphone, là non plus, Pierre Burgun ne se montre pas inquiet pour le secteur de l'horlogerie : "Depuis longtemps, la montre n'est plus seulement un objet qui affiche l'heure. Elle revêt une dimension de mode. Elle est aussi devenue un élément distinctif du point de vue du statut social avec ses différentes gammes de prix. Donc même si tout le monde se met à regarder l'heure sur son téléphone, le produit horloger ne sera évidemment pas réduit à néant !", soutient-il.
Comme lui, Patrice Besnard se veut rassurant : "Une chose simple justifie notre optimisme s'agissant de la pérennité du secteur de l'horlogerie. Le téléphone portable peut s'égarer alors que la montre se trouvera toujours au poignet", raille-t-il. L'heure est donc à l'optimisme pour l'horlogerie française !
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