Les startups prennent le train pour tailler des croupières à la SNCF en 2024
C'est ce que l'on appelle un axe majeur. La ligne de TGV Paris-Lyon est l'une des voies ferroviaires les plus fréquentées d'Europe. Elle reçoit le tiers du trafic TGV de France et voit transiter 240 trains par jour. 44 millions de voyageurs l'empruntent chaque année. Cette ligne est donc stratégique pour la SNCF, mais aussi pour tous ses nouveaux concurrents qui se lancés dans la féroce bataille du rail.
Le premier a être entré dans la danse est l'italien Trenitalia. Depuis son lancement en France en décembre 2021, la compagnie propose 5 allers-retours quotidiens entre Paris et Lyon. Mais aussi, depuis le 10 décembre, 2 allers-retours sur l'axe Paris-Chambéry chaque week-end, venant remplacer les 2 allers-retours sur l'axe Paris-Milan, suspendus pour cause de travaux de la voie ferrée dans la vallée de la Maurienne.
" Nous sommes fiers d'avoir déjà fait voyager deux millions de personnes depuis notre arrivée en France. Et nous continuerons à faire vivre, à l'ensemble de nos clients, une expérience unique à bord de nos trains Frecciarossa ", explique Roberto Rinaudo, président de Trenitalia France.
En 2024, les Italiens vont devoir composer avec un nouveau concurrent venu du Sud, la compagnie de trains espagnols de la Renfe. Elle arrive sur l'axe Paris-Lyon-Marseille, avec la promesse de petits prix. La compagnie annonce un total de 16 TGV chaque jour dès 2024.
Le marché français n'est pas une nouveauté pour Renfe. Depuis cinq mois, ses trains à grande vitesse circulent depuis Madrid (Espagne) puis Barcelone à destination de Marseille (Bouches-du-Rhône) et Lyon (Rhône). De nouvelles lignes passant par Montpellier (Hérault) et Nîmes (Gard) sont également prévues.
Cotés tarifs, Renfe affiche la couleur ! Pour un Lyon-Barcelone prévu le 17 janvier 2024, il faut débourser 45 euros avec la Renfe contre 100 euros avec la SNCF.
Les startups du train sur les rails
Mais au-delà, des grandes compagnies européennes de transport ferroviaire, d'autres petites start-up ambitionnent de " renverser la table " du rail. Elles ont pour nom Le Train, Kevin Speed ou encore Midnight Trains.
Loin de la Part-Dieu ou de la Gare de Lyon, c'est dans la Station F que Laurent Fourtune développe, depuis 2021, Kevin Speed, une petite compagnie ferroviaire privée, à l'état encore embryonnaire. Son ambition est d'offrir une offre ferroviaire à grande vitesse abordable, pratique et respectueuse de l'environnement. Cet ancien directeur du développement à la RATP et ancien directeur opérationnel de Getlink vient de lever 4 millions d'euros, auprès d'investisseurs privés français et internationaux pour développer " La grande vitesse, pour tous, et tous les jours ! " Concrètement, il vise à rendre les trains circulant à 300 km/h accessibles financièrement et quotidiennement à tous, en lançant des navettes à grande vitesse ultra régulières notamment entre Paris et les régions proches. Un croisement entre le RER et TGV, une sorte de RER-GV que l'on pourrait prendre tous les jours. Un concept issu des expériences étrangères, mais novateur en France qui facilitera le quotidien des Français par la grande vitesse.
Autre projet ambitieux, celui de Tony Bonifaci, baptisé sobrement Le Train. Cet industriel charentais a fait le constat que, malgré la mise en service et l'extension de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, le nombre de Trains à Grande Vitesse (TGV) qui dessert le grand ouest reste trop faible pour que tous les habitants puissent en profiter pleinement. L'idée est d'opérer ses propres trains à grande vitesse en Nouvelle-Aquitaine, principalement entre Arcachon, Bordeaux, Angoulême et Poitiers avec, notamment, des extensions vers Nantes et Rennes durant les week-ends.
Le Train souhaite proposer, à terme, 11 destinations dans le Grand-Ouest et 50 trajets quotidiens d'ici 2025. Cette nouvelle offre permettrait par exemple de faire un Bordeaux-Rennes en direct, en 3 h 30, contre 4 h 13 chez la SNCF aujourd'hui. Et ce de façon optimisés. " Les voyageurs auront la possibilité de partir tôt le matin et de rentrer tard le soir ", précise un porte-parole. Le tout à des tarifs canons : entre 20 et 30 euros le billet.
Dans un premier temps, et si cela est jouable, le train veut opérer, dès 2024, des rames d'occasions, puis, en 2025, au sein de 10 rames neuves. La compagnie a déjà commandé des trains à grande vitesse neufs à l'espagnol Talgo. L'entreprise a levé 8 millions d'euros pour financer son développement qui pourrait passer par Nantes et Lyon puisque Le Train a annoncé sa participation à un appel d'offres lancé en 2022 pour une mise en concurrence de la SNCF sur les trois lignes TET (trains d'équilibre du territoire), qui ne sont pas occupées par le TGV mais par des trains Intercités de la SNCF.
Si l'avenir est prometteur pour Le Train, celui de Railcoop semble plus sombre. La première coopérative française dédiée au ferroviaire a été placée en octobre en redressement judiciaire.
Pourtant, lors de son lancement en 2019, l'entreprise affichait des objectifs ambitieux qui ont séduit les citoyens et les collectivités locales. En quelques mois seulement, la coopérative réunit 6 000 sociétaires et réussit à lever 1,5 million d'euros lui permettant d'obtenir une licence ferroviaire.
À l'automne 2021, elle lance en parallèle une ligne de fret entre les départements de l'Aveyron et de la Haute-Garonne. Rapidement, Railcoop se heurte néanmoins à la réalité du secteur ferroviaire et commence à accumuler retards et changements de direction. Évitant de peu la liquidation, l'entreprise dispose désormais de six mois pour "retrouver une trésorerie satisfaisante" et de "boucler le tour de table financier" afin de mener à bien son projet : relancer la liaison Bordeaux-Lyon, abandonnée depuis près de dix ans.
Dans un style très différent, des petites compagnies surfent sur la mode du "Train bragging", à savoir la fierté de prendre le train plutôt que l'avion ou la voiture. Une tendance qui s'affiche notamment sur les réseaux sociaux.
Résultats, les trains de nuit reviennent en force et les projets de liaisons de nuit se multiplient à travers l'Europe notamment de Bruxelles vers Prague et Graz, en Autriche, de Hambourg vers Stockholm et même en France avec la réouverture de lignes autrefois sacrifiées sur l'autel de la rentabilité. Le premier train de nuit entre Berlin et Paris vient d'être remis en service par la SNCF et DB allemande.
Dans ce contexte, le projet d'Adrien Aumont, cofondateur en 2009 de la plateforme de financement collaboratif KissKissBankBank, prend tout son sens. Avec son complice de KKBB Romain Payet, il a lancé Midnight train pour concurrencer l'avion avec le retour des trains de nuit.
Depuis son hub parisien, il cible une dizaine de grandes villes européennes, distantes de 800 à 1.500 kilomètres. Un Paris Rome, par les airs, c'est 206 kg eqCO2 par passager, contre 8,8 en chemin de fer (23 fois moins), met-il en avant sur son site. Il veut démarrer en reliant, dès 2024, Paris à Venise et Barcelone avec des rames haut de gamme.
Car Midnight train, est un concept d'hôtel-restaurant sur rail " comme au temps de l'Orient Express, avec des cabines privatives - solo, duo ou famille -, salle d'eau, petit-déjeuner, télé et Wifi. Tout en restant très abordable. " Les entrées de gamme sont pensées pour intéresser quiconque qui a les moyens de voyager avec Easyjet ". " Il faut du volume pour amortir les coûts ", conclut-il. Et quelques financements aussi pour que cette idée très "glamour" devienne réalité.
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