le luxe et le pricing power
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La cause semblait entendue. En période de forte inflation et de taux élevés, le "pricing power" était devenu l'alpha et l'oméga des entreprises du luxe.

Le pricing power est une recette magique qui consiste à pouvoir augmenter ses prix pour faire face à la hausse des coûts de production sans rogner ses marges. Et sans perdre de clients, évidemment.

Une société qui a un fort pricing power peut ainsi augmenter ses prix sans que la demande ne recule. À l'image d'Apple, qui chaque année proposait des téléphones de plus en plus chers et des volumes de ventes qui ne cessaient de grimper. Derrière cette notion, on pointe la force de la marque, sa désirabilité, mais aussi des barrières à l'entrée, une situation de monopole ou encore une technologie de pointe difficile à copier.

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Mais le pricing power semble atteindre ses limites pour certains secteurs, avance dans une note récente John Plassard, directeur des investissements chez Mirabaud. Les derniers résultats des entreprises de luxe lui donnent raison. Hormis Hermès, LVMH et surtout Kering s'essoufflent sur l'ensemble de leur marché, notamment en Chine. L'euphorie post-Covid est passée, laissant des consommateurs moins friands de "luxe" à tout prix.

LVMH, Kering et Hermès n'ont pas adopté la même stratégie commerciale : si LVMH et Kering ciblent une clientèle haut de gamme, Hermès vise quant à elle une clientèle suffisamment fortunée pour être peu regardante sur les prix, quel que soit le contexte économique. La seconde peut répercuter l'intégralité de la hausse de ses coûts de production sur ses prix de vente, alors que la première doit contrôler ses prix.

Dans une note récente, Gilles Constantini, gérant du fonds Amplegest Pricing Power, pointait le problème de distinguer le vrai du faux pricing power. "

Le retour de l'inflation au cours de l'année passée a singulièrement brouillé les cartes pour les investisseurs. La hausse des coûts de production (renchérissement des matières premières et de l'énergie, raréfaction de la main-d'œuvre, grippage des chaînes d'approvisionnement...) a en effet forcé les entreprises à augmenter indistinctement leurs grilles tarifaires afin de sauvegarder leurs marges. Le mouvement massif de hausse des prix qui en a découlé a pu donner l'impression que toutes les entreprises disposaient d'un pricing power. Mais il n'en est rien."

"En période d'inflation élevée, seules les industries disciplinées et celles qui ont quelque chose d'unique disposent d'un pricing power qui préserve les entreprises contre une baisse de leur rentabilité et de leur valorisation", analyse Laurent Chaudeurge, Responsable de l'ESG, Porte-parole de la Gestion chez BDL Capital Management.

Dans une note, Thomas Guillet, consultant senior chez Square Management, remarque que pour ce qui est des perspectives pour la fin de l'année 2023 et l'année 2024, les anticipations changent du tout au tout entre les dirigeants des groupes de luxe et d'ultra luxe. D'un côté, le directeur financier de LVMH, Jean-Jacques Guiony, annonçait fin juillet s'attendre à un ralentissement de la demande sur le marché américain, de l'autre, Axel Dumas, dirigeant d'Hermès, annonçait au même moment vendre l'intégralité de sa production et n'attendre aucun ralentissement de ses ventes.

La gestion fine des stocks, voire la limitation des livraisons, semble donc être la nouvelle clé de la croissance pour les marques de luxe.

Exemple avec Ferrari où malgré une stagnation des volumes de vente (+3,7 % entre les premiers semestres 2022 et 2023), la société se paie le luxe d'une augmentation de son chiffre d'affaires de 17 % et de ses profits de 29 %. Avec un prix de vente moyen par véhicule en hausse de 15 % entre les premiers semestres 2022 et 2023, la société a même abaissé la part du coût de construction de ses voitures de 52,6 % à 49,2 % du prix de vente.

Sur le maintien d'une prime au pricing power, Thomas Guillet répond positivement. "Nul doute que le monde de demain comportera toujours des clients très fortunés et que l'attrait de marques comme Ferrari ou Hermès perdurera. Pour ce qui est des conditions de croissance, une analyse de la stratégie des entreprises est nécessaire."