Jeux vidéo : Comment Dontnod veut s'imposer dans le game
Dans le monde des jeux vidéo, c'est la curiosité de la fin du mois d'octobre. Dontnod, le petit studio français connu pour ses productions narratives comme "Life is Strange" ou "Tell Me Why", lance son nouveau jeu, "Jusant".
L'action se déroule dans un monde mystérieux et poétique. "Jusant", en langage marin, c'est la période pendant laquelle la marée est descendante. L'eau se retire, ne laissant que les traces d'une civilisation passée, intrigante et pleine de surprises. Pour connaître la suite, il faut grimper en haut d'une tour. Tout en haut. Les gamers les plus agiles s'offriront une parenthèse acrobatique de 6 à 8 heures, portée par une bande-son aux petits oignons, une nature luxuriante et des décors sobres mais élégants.
La dernière réalisation du studio français tombe à point nommé pour faire oublier le report d'un autre jeu important de la maison, "Banishers: Ghosts of New Eden", initialement prévue le 7 novembre 2023, qui finalement arrivera sur le marché le 13 février 2024 sur PC, Playstation 5 et Xbox Series X|S.
"Nous avons décidé de reporter la sortie de cette nouvelle franchise de trois mois, car le marché connaît un intense cycle de sorties de gros titres (AAA) sur PC et consoles en cette fin d'année. Nous sommes convaincus qu'une sortie commerciale de "Banishers: Ghosts of New Eden" lors d'une période moins saturée permettra de lui donner toute l'attention qu'il mérite", justifie Oskar Guilbert, le PDG de Dontnod.
Il faut dire que le patron est sous pression et n'a pas vraiment droit à l'erreur. Cotée en bourse depuis 2018, le titre de la société se traîne et est passé de 18 à 5 euros, soit une capitalisation de moins de 59 millions d'euros, inférieure à la trésorerie (60 millions d'euros). Une anomalie qui n'a pas manqué de faire bondir le titre de plus de 10 % le jour de la présentation des résultats semestriels, le 17 octobre 2023.
Une péripétie de plus pour le studio créé en 2008 par Oskar Guilbert. L'homme a fait ses classes chez Criterion, Electronic Arts et Ubisoft. C'est là qu'il a fait connaissance de Jean-Maxime Moris et Aleksi Briclot, qui le suivront dans l'aventure Dontnod. Ils ont alors décidé de bâtir une structure à leur image et ont accueilli dans leurs rangs un producteur, Hervé Bonin, et un écrivain français renommé pour ses travaux sur la science-fiction, Alain Damasio.
Dontnod se positionne sur la création de contenus originaux narratifs s'appliquant aux genres populaires (action, aventure, jeux de rôle), soit jouables en une seule fois ("one shot") ou par épisodes, sur le modèle des séries télévisées rendu célèbre par Netflix. Tous s'installent alors dans le douzième arrondissement de Paris, avant de rapidement déménager dans le dix-neuvième pour faire face à la croissance des effectifs du studio.
Le premier projet de l'équipe n'est pas un jeu vidéo, mais le développement d'une technologie baptisée "Fluidz", censée reproduire le comportement des fluides en temps réel. Ensuite, les projets s'enchaîneront, avec plus ou moins de réussite, notamment le lancement de "Remember Me", un jeu mettant en scène "un Paris futuriste dans lequel le réchauffement climatique a causé la montée des eaux et l'inondation d'une partie de la ville", comme l'explique Oskar Guilbert. La production attire l'attention du ministère de la culture, mais aussi de Sony. Las, face aux développements chaotiques, le studio est lâché par la plupart de ses partenaires.
En 2014, c'est le redressement judiciaire pour le studio. Heureusement, Dontnod réussit à lancer son premier blockbuster, "Life Is Strange", considéré par beaucoup comme une épopée assez magistrale ! Au cours de l'année 2015, le jeu remporte même de très nombreuses récompenses, comme le "Best Gaming Performance Award" aux Golden Joystick, le "Game Award" du meilleur jeu à message positif, ou encore le "Develop Industry Excellence Award" pour sa narration.
Suivront des titres comme "Vampyr", "Life Is Strange 2", paru en septembre 2018, "Tell Me Why", le jeu édité par les Xbox Game Studios et commercialisé à la fin de l'été 2020, ou encore "Twin Mirror", co-édité avec Bandai Namco, en décembre de la même année.
Quelques mois plus tard, en janvier 2021, le studio annonce avec joie le succès de son augmentation de capital à hauteur de 50 millions d'euros pour financer son développement vers plus de jeux en auto-édition. Ainsi, la plupart des projets récents et futurs sont désormais édités par Dontnod Entertainment. C'est notamment le cas pour "Harmony: The Fall of Reverie" et "Jusant". "Banishers: Ghost of New Eden" reste en co-édition avec Focus Entertainment étant donné la nature et l'envergure du projet. "Nous changeons progressivement de modèle économique pour aller vers plus d'auto-édition", explique Benoit Gisbert Mora, le nouveau DGA du groupe. À la clé, des investissements de départ plus lourds mais des revenus proportionnels au succès des jeux !
Aujourd'hui, l'entreprise basée à Paris et à Montréal emploie 350 personnes qui développent 8 projets, dont 3 prévus pour 2023 (Harmony, Gerda et Jusant) et 5 pour la période 2024/25. "Le marché du jeu est estimé à 188 milliards d'euros en 2023, pour un nombre de joueurs qui ne cesse de croître pour atteindre 3,4 milliards cette année", explique Oskar Guilbert, qui compte bien imposer son petit studio dans la cour des grands.
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