Quels sont les chiffres de la fraude fiscale en France?
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"Contrairement à de nombreux pays, la France ne dispose d'aucune évaluation rigoureuse de la fraude fiscale." Voilà ce qu'a affirmé Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, le 15 novembre dernier, à l'occasion de la présentation des résultats du rapport d'initiative citoyenne sur la détection de la fraude fiscale des particuliers.

Malgré tout, quelques indications dévoilées par l'institution dans son rapport et un travail de recherches et de calculs mené par Les Echos nous permettent d'estimer un certain nombre d'éléments sur les montants relatifs à la fraude fiscale des particuliers dans l'Hexagone.

Entre 7 et 27 milliards d'euros de manque à gagner annuel pour le fisc

Une donnée est tout de même fidèlement quantifiable par la Cour des comptes : les sommes réclamées par l'administration fiscale après contrôle. Alors que l'ensemble des particuliers se sont acquittés de 160 milliards d'euros d'impôts directs (dont 93 milliards d'euros relatifs à l'impôt sur le revenu), les contribuables n'ayant pas procédé au recouvrement intégral de leurs obligations fiscales ont été contraints, après contrôle, de reverser 3 milliards d'euros supplémentaires au Trésor public.

Évidemment, le contrôle fiscal ne permet pas de démasquer tous les "mauvais contribuables", loin de là ! Cela amène alors à la question de l'écart fiscal, soit la différence entre l'impôt devant être normalement payé et le montant réellement réglé. La fraude fiscale et, à plus petite échelle, les erreurs des particuliers sont ici concernées. Sur cette question, comme le rappelait Pierre Moscovici, aucune estimation officielle n'a été publiée. En revanche, d'autres pays évaluent régulièrement cette donnée. Parmi eux, l'Estonie présente l'état fiscal le plus bas, avoisinant seulement les 4,5 %. À l'inverse, c'est aux États-Unis que la différence entre l'impôt devant être normalement payé et le montant réglé en réalité est la plus importante. Au pays de l'Oncle Sam, celle-ci atteint les 16,6 % !

Ainsi, en extrapolant ces deux taux pour le cas de l'Hexagone, il est possible d'estimer que l'écart salarial se situe entre 4,5 % et 16,6 % de la somme attendue par le fisc, soit entre l'hypothèse la plus optimiste et celle la plus pessimiste présente chez les pays évaluant l'écart salarial. Le manque à gagner pour le Trésor public en ce qui concerne la fiscalité des particuliers se situerait ainsi entre 7 et 27 milliards d'euros (par rapport aux 160 milliards d'euros réellement acquittés par les contribuables).

Combien coûte la lutte contre la fraude fiscale ?

Les montants dépensés par la Direction générale des finances publiques (DGFIP) pour détecter la fraude fiscale sont également mesurables. Et plusieurs outils s'offrent à l'institution pour repérer et limiter les éventuelles fraudes.

En premier lieu, le dispositif des "aviseurs fiscaux" (ou plus communément appelés "indics du fisc"), créé en 2016, représente une arme importante dans l'arsenal de la DGFIP pour lutter contre la fraude. Et ce dispositif est particulièrement efficace : "Le rendement budgétaire du dispositif des aviseurs fiscaux est élevé", affirme la Cour des comptes dans son rapport. En effet, entre 2017 et 2021, ces personnes qui dénoncent des opérations fiscales frauduleuses ont permis le recouvrement de plus de 110 millions d'euros. En contrepartie de ce travail (quelque peu particulier...) qui a été à l'origine de près de 450 dénonciations au total à ce jour, les "indics du fisc" se sont vus versés une rémunération de 3,4 millions d'euros entre 2017 et 2022.

Parallèlement, l'administration mise sur la technologie pour lutter de manière plus efficace contre les fraudes fiscales. Depuis 2016 et le lancement du programme "Ciblage de la fraude et valorisations des requêtes" (CFVR), 21,3 millions d'euros ont été investis. Ainsi, grâce à la création de nouvelles infrastructures techniques et à la mise en place de nouveaux algorithmes permettant de croiser les différentes données des administrations, les agents du fisc visualisent plus efficacement les anomalies et irrégularités fiscales.

Un exemple présenté par la Cour des comptes illustre l'efficience de cet investissement de plus de 20 millions d'euros : "Par exemple, un modèle de valorisation des cessions immobilières a été construit pour détecter les déclarations anormales par comparaison entre la valeur vénale estimée des biens, sur la base des données de l'année 2019, et la valeur déclarée par les particuliers. Grâce à cela, environ 16 % des dossiers soumis à ce modèle ont donné lieu à un avis d'imposition rectifié, pour un montant de droits rappelés et de pénalités de 49,3 millions d'euros", détaille-t-elle dans son rapport.

Enfin, pour une détection optimale de la fraude, l'administration s'appuie, depuis 2017, sur les données relatives aux comptes bancaires détenus à l'étranger et aux revenus perçus dans d'autres pays par des résidents fiscaux français. Ainsi, depuis cette évolution, le nombre de situations fiscales étudiées à la suite d'échanges automatiques d'informations a été multiplié par 69, passant de 509 dossiers étudiés par la DGFIP en 2017 à plus de 35 000 en 2021 !

Et ces dizaines de milliers de comptes étrangers passés au crible chaque année permettent également de remplir les caisses du Trésor public, en cas de détection de fautes. Effectivement, le fait de ne pas déclarer un compte à l'étranger est puni d'une amende de 1 500 euros !