L'Inde représente 40 pour cent des exportations mondiales de riz
L'Inde représente 40 pour cent des exportations mondiales de riz AFP

Selon les experts, le prix du riz, à son plus haut niveau depuis 15 ans, provoqué par les restrictions imposées par l'Inde sur les ventes à l'étranger, devrait être un signal d'alarme sur la manière dont le changement climatique peut perturber l'approvisionnement alimentaire.

Les prix du riz ont bondi de 9,8 pour cent en août, contrebalançant les baisses d'autres produits de base, a annoncé la semaine dernière l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture.

Cela fait suite à la décision prise en juillet par l'Inde, qui représente 40 pour cent des exportations mondiales de riz, d'interdire la vente à l'étranger de riz non basmati.

Le gouvernement a évoqué la flambée des prix intérieurs de ce produit de base, provoquée par la géopolitique, le phénomène climatique El Niño et les " conditions climatiques extrêmes ".

Cette année devrait être la plus chaude de l'histoire de l'humanité, et les impacts du phénomène climatique saisonnier El Nino pourraient rendre les conditions encore plus difficiles.

Malgré de graves inondations dans certaines parties du nord de l'Inde, ce mois d'août a été le plus chaud et le plus sec jamais enregistré dans le pays.

La saison des moussons, qui apporte jusqu'à 80 pour cent des précipitations annuelles du pays, a été bien inférieure aux niveaux normaux.

Les restrictions imposées par l'Inde en juillet font suite à une décision prise en septembre dernier d'interdire les exportations d'une autre variété de riz qui est un aliment de base dans certaines régions d'Afrique.

Jusqu'à huit pour cent des exportations mondiales de riz pour 2023/24 pourraient désormais être retirées du marché, selon une analyse de BMI, la branche de recherche du Fitch Group.

Pour l'instant, la crise offre une opportunité aux rivaux de l'Inde, notamment aux deuxième et troisième exportateurs, la Thaïlande et le Vietnam.

Les deux ont augmenté leurs exportations cette année, Nguyen Nhu Cuong, un responsable du ministère vietnamien de l'Agriculture et du Développement rural, vantant une " récolte exceptionnelle " et envisageant d'augmenter les semis.

Mais les conditions sèches qui tendent à accompagner El Nino signifient qu'une navigation fluide est peu probable, a averti Elyssa Kaur Ludher, du programme sur le changement climatique en Asie du Sud-Est de l'Institut ISEAS-Yusof Ishak.

"Ma question est de savoir s'ils pourront continuer à le faire une fois qu'El Nino entrera en vigueur vers la fin de cette année, lorsque l'eau deviendra plus rare", a-t-elle déclaré à l'AFP.

"Je pense que la fin de cette année et surtout le début de l'année prochaine seront très, très difficiles", a-t-elle ajouté.

Phénomène météorologique naturel, El Nino dure généralement de neuf à 12 mois et devrait se renforcer à la fin de cette année.

Même avant les dernières restrictions imposées par l'Inde, leurs effets faisaient grimper les prix à l'exportation du riz, selon BMI.

Et en Thaïlande, les niveaux de précipitations nationales sont actuellement 18 pour cent inférieurs aux prévisions pour la période de l'année, a déclaré ce mois-ci l'Office des ressources nationales en eau.

Des pluies tardives pourraient encore combler la différence, mais l'agence se dit "préoccupée par une sécheresse provoquée par El Niño".

La conséquence en est une sur le prix plutôt que sur l'offre, a déclaré Charles Hart, analyste des matières premières agricoles chez Fitch Solutions.

"Ce n'est pas un moment de pénurie de riz", a-t-il souligné, soulignant que les restrictions imposées par l'Inde n'ont pas été suivies par d'autres exportateurs.

Au lieu de cela, la situation est susceptible de forcer le retrait des stocks reconstitués après l'épuisement de la période de pandémie et d'inciter les importateurs à rechercher de nouveaux accords et à imposer des limites locales.

Le principal importateur des Philippines a signé ce mois-ci un accord avec le Vietnam pour aider à stabiliser l'offre, quelques jours après avoir annoncé un plafonnement national des prix.

Mais pour certains, les prix inabordables équivaut à un manque d'approvisionnement : moins de nourriture.

"Ce n'est pas seulement une question de disponibilité alimentaire, mais c'est aussi une question de stabilité sociale, c'est une question politique", a déclaré Ludher.

Les perturbations actuelles devraient être un signal d'alarme pour les décideurs politiques, a-t-elle ajouté, en accordant davantage d'attention au sort des agriculteurs dans divers secteurs.

Le changement climatique peut affecter la productivité, avec une baisse des rendements agricoles à mesure que les températures augmentent, mais il augmente également la probabilité d'événements extrêmes comme les inondations de 2022 au Pakistan.

"Les marchés mondiaux d'exportation de céréales sont relativement concentrés, de sorte que ce type de risque climatique extrême s'accumule sur quelques marchés", a ajouté Hart.

En Inde, les décideurs politiques doivent développer de meilleurs systèmes d'alerte précoce et de nouveaux modèles de plantation, a déclaré Avantika Goswami, chercheuse sur le changement climatique au Centre pour la science et l'environnement.

"Les conditions météorologiques irrégulières sont la nouvelle norme", a-t-elle déclaré à l'AFP.

"Maintenant, il s'agit d'une adaptation précoce. À long terme, les émissions mondiales doivent diminuer."

Pour l'instant, les restrictions indiennes s'avèrent une aubaine pour les agriculteurs thaïlandais et vietnamiens.
Pour l'instant, les restrictions indiennes s'avèrent une aubaine pour les agriculteurs thaïlandais et vietnamiens. AFP
Graphique montrant l'indice FAO des prix du riz jusqu'en août 2023
Graphique montrant l'indice FAO des prix du riz jusqu'en août 2023 AFP