Hugues Pietrini veut secouer le monde des spiritueux haut de gamme.
" Secouez-moi ! " Le slogan mythique de la marque Orangina résonne toujours dans la tête d'Hugues Pietrini, qui a présidé aux destinées du groupe Orangina-Schweppes entre 2010 et 2014. Il faut dire que ce passionné de plongée sous-marine est notamment à l'origine du redressement des vaisseaux amiraux du groupe, Oasis, Schweppes et Orangina, qui ont retrouvé le chemin de la croissance en 2008 grâce à des publicités percutantes et à un renforcement de la force de vente.
Mais aujourd'hui, c'est le secteur des spiritueux haut de gamme qu'il veut secouer. Mais en solo, ou presque. À 54 ans, celui qui a exercé les postes de vice-président de Moët Hennessy Wines and Spirits, puis CEO du groupe russe Stoli (vodka Stolichnaya), a lancé son petit groupe de spiritueux, baptisé Spirit-Brothers.
Avec autant de références à son catalogue (7) que de salariés, il ambitionne de devenir un trublion dans un secteur dominé par les géants comme Pernod Ricard, Diageo ou Moët Hennessy.
Et il ne manque pas d'idées pour y parvenir. Son premier gros coup ? Obtenir, en 2019, la distribution de la vodka russe Romanov. " Son concepteur est Jan Bernadotte, un descendant de l'empereur Alexandre 2 ", assure ce diplômé de l'ESSEC au sens du storytelling inné.
Mais l'histoire se gâte avec l'invasion de l'Ukraine et l'interdiction d'exportation des produits russes. Qu'à cela ne tienne, Hugues Pietrini décide de produire sa vodka en France, à Cognac. Avec succès ! En 2023, 80 000 bouteilles de vodka russe sortiront de la distillerie Merlet.
Fort de cette première réussite, ce passionné du Mexique prend la direction des hautes montagnes de San Juan del Río à Oaxaca, avec un projet dans la tête : produire un mezcal authentique.
Et qui dit authentique, dit un mezcal joven artisanal élaboré à partir d'une espèce d'agaves particulières, les Espadins, qui mettent au minimum 7 ans à mûrir avant d'être cueillies, à la main, par des indiens Zapotèques. Arrivées à maturité, les feuilles sont séparées du cœur, appelé piña – ananas en espagnol – car celui-ci y ressemble étrangement une fois débarrassé de ses tiges, puis haché menu et cuit plusieurs jours dans un four traditionnel. C'est à cette étape que le mezcal prend sa saveur fumée et ses notes sucrées. Les cœurs sont ensuite broyés pour donner un moût qui va fermenter et être distillé deux fois.
Pour faire de ce mezcal traditionnel un succès, Hugues Pietrini va appliquer les bonnes vieilles recettes du marketing. Il le baptise Mahani (animal en Zapotèques), propose à une artiste d'illustrer la bouteille en verre soufflé et opte pour un packaging innovant en y ajoutant deux jicaras, les tasses traditionnelles.
Du mezcal à la tequila, il n'y a qu'un pas, ou plutôt une espèce d'agaves différente. Mais pour se distinguer dans ce secteur très concurrentiel, Hugues Pietrini décide de faire un pas de côté et de proposer une tequila rosée !
Là encore, le sourcing est mexicain pur jus. Les agaves bleu Weber sont cultivés à la main sur les hautes terres de l'État Jalisco au Mexique.
Pour lui donner sa couleur " Rosé de Provence ", le jus est vieilli en fût de chêne de merlot pendant 21 jours. Cette tequila rosée, baptisée Celosa (jalouse en espagnol), est devenue la nouvelle coqueluche des bars branchés. Elle est affichée à 500 euros à la carte des " hot spots " branchés d'Ibiza, de Saint-Barthélemy ou de Dubaï.
Pour compléter son catalogue, Hugues Pietrini a également imaginé un gin haut de gamme, ambiance French Riviera, le Belle Rive, mais également un bourbon du Kentucky, inspiré de la collection personnelle de John Wayne et fabriqué par le fils de la légende américaine.
Enfin, il a aussi pris la route du rhum en faisant escale à Saint-Martin pour y concevoir le Gouverneur 1648, un rhum gourmand, " à base de mélasse et de rhum agricole ", explique-t-il.
Avec ses 7 références au catalogue, Spirit Brothers distribue près de 150 000 bouteilles par an, pour un chiffre d'affaires d'environ 4 millions d'euros. Une goutte d'eau face aux géants du secteur, mais qu'Hugues Pietrini compte bien doubler chaque année. "Nous avons conçu nos marques pour offrir un voyage culturel, sensoriel et expérientiel rare. Cette volonté et exigence rend nos marques uniques et attractives, en France comme à l'international. Nous visons d'ici 2025 un déploiement sur de nouveaux marchés, dont l'Asie et l'Amérique du Nord. " Ça va secouer !
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