Des dirigeants pétroliers jugés en Suède pour leur rôle dans les crimes de guerre au Soudan
Une société pétrolière suédoise opérant au Soudan avec le soutien de l'armée savait que la violence affecterait les civils afin de contrôler les zones, ont déclaré mardi les procureurs alors que deux anciens dirigeants étaient accusés de crimes de guerre.
Le Suédois Ian Lundin et le Suisse Alex Schneiter sont accusés d'avoir demandé au gouvernement soudanais de confier à ses militaires la responsabilité de la sécurité sur le site de l'un des champs d'exploration de Lundin Oil, ce qui a ensuite conduit à des bombardements aériens, à la mort de civils et à l'incendie de villages entiers, selon l'accusation.
Mikael Ekman, conseiller juridique principal du groupe de défense des droits civils Defenders, a déclaré à l'AFP que cette affaire était "extrêmement importante".
"Il s'agit de crimes internationaux graves et de la responsabilité des dirigeants d'entreprises eux-mêmes lorsqu'ils font des affaires dans des pays en conflit", a déclaré à l'AFP Ekman, venu assister personnellement au procès.
"C'est une tragédie que cela ne se soit pas produit auparavant et que cela ne se reproduise plus", a poursuivi Ekman, ajoutant que l'issue du procès était bien sûr encore incertaine.
Lundin, 62 ans, était directeur général de l'entreprise familiale Lundin Oil, aujourd'hui connue sous le nom d'Orron Energy, de 1998 à 2002, et Schneiter, 61 ans, en était alors vice-président.
En entrant dans la salle d'audience, Lundin, vêtu d'un costume gris, a déclaré aux journalistes que lui et Schneiter étaient "impatients de nous défendre devant un tribunal".
"Les accusations portées contre nous sont fausses, elles sont complètement fausses. Elles sont également très vagues", a-t-il poursuivi.
Le procès devrait être le plus important de l'histoire de la Suède, après une enquête de plus d'une décennie, un rapport d'enquête de plus de 80 000 pages et des plaidoiries finales prévues pour février 2026.
Les deux hommes, qui ont été officiellement désignés comme suspects en 2016, sont accusés de " complicité dans de graves crimes de guerre " commis sous le règne d'Omar al-Bashir.
Dans ses réquisitoires liminaires, l'accusation a affirmé qu'après la découverte de pétrole par Lundin Oil en 1999 dans le champ " Bloc 5A " dans ce qui est aujourd'hui le Soudan du Sud, l'armée soudanaise, avec une milice alliée, a mené des opérations militaires offensives pour prendre le contrôle de la région. et créer "les conditions préalables nécessaires à l'exploration pétrolière de Lundin Oil".
Le procureur Henrik Attorps a déclaré : " Les auteurs ont utilisé des tactiques et des armes qui ne faisaient aucune distinction entre les civils et les combattants, ni entre les biens civils et les cibles militaires. "
Selon l'acte d'accusation, cela comprenait des bombardements aériens depuis des avions de transport, des tirs sur des civils à partir d'hélicoptères de combat, des enlèvements et des pillages de civils et des incendies de villages et de récoltes.
Les procureurs affirment que les accusés étaient complices parce que Lundin Oil avait conclu des accords avec le gouvernement soudanais pour rendre l'armée responsable de la sécurité, sachant que cela signifiait que l'armée et les milices alliées devraient prendre le contrôle des zones par la " force militaire ".
La procureure Karolina Wieslander a déclaré au tribunal que Lundin et Schneiter avaient exigé que le Soudan crée des " conditions " pour les opérations pétrolières dans les zones non contrôlées par l'armée ou les milices alliées au régime, sachant que l'armée devrait mener des opérations " offensives " pour y parvenir.
S'ils sont reconnus coupables, Lundin et Schneiter risquent la perpétuité.
Le parquet a déjà demandé que les deux hommes soient interdits de toute activité commerciale pendant 10 ans.
Il a également demandé la confiscation de 2,4 milliards de couronnes (218 millions de dollars) à Orron Energy, l'équivalent du bénéfice réalisé par la société sur la vente de ses opérations au Soudan en 2003.
La défense a quant à elle fait valoir que les arguments de l'accusation ne tenaient pas la route.
"Notre opinion est que ces deux années qui vont désormais être passées au tribunal de grande instance seront une énorme perte de temps et de ressources", a déclaré à l'AFP Torgny Wetterberg, avocat de Ian Lundin, à la veille du procès.
Wetterberg a déclaré au tribunal que la défense n'était pas d'accord avec les descriptions des événements faites par l'accusation et qu'elle avait bâti son dossier sur des affirmations circonstancielles sans aucune preuve concrète.
Présentant son dossier au tribunal, Wetterberg a également noté que le procureur n'a même pas soutenu que les accusés avaient participé à un crime spécifique ni même qu'ils avaient connaissance de l'heure et du lieu des cas d'abus.
Il a également déclaré que bon nombre des faits avancés par l'accusation, tels que les liens entre certaines milices et le gouvernement, n'étaient pas étayés par des preuves substantielles.
Lundin lui-même a souligné que le Soudan souffrait depuis longtemps d'un conflit interne.
"Nous n'avons jamais rien eu à voir avec ce conflit, au contraire, nous étions une force du bien", a déclaré Lundin aux journalistes lundi.
Mark Klamberg, professeur de droit international à l'université de Stockholm, a déclaré à l'AFP que les cas impliquant des chefs d'entreprise accusés de crimes de guerre sont rares et qu'il s'agit d'une première en Suède.
En revanche, les accusations sont plus fréquemment portées pour des crimes dans lesquels les accusés ont été complices ou indirectement impliqués, car ceux qui occupent des postes de direction " commettent rarement des crimes de leurs propres mains ".
"Mais cela impose des exigences au procureur et aux preuves, ce qui rend les affaires compliquées et longues", a déclaré Klamberg à l'AFP.
La Suède peut poursuivre les crimes commis à l'étranger devant son système judiciaire, même si le gouvernement doit donner son accord pour inculper un ressortissant étranger pour des crimes commis à l'étranger.
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