Pourquoi le déficit français s'aggrave à un niveau record
Le déficit budgétaire de la France a dépassé les prévisions en 2023, ont montré mardi les chiffres officiels, mettant à mal l'engagement du président Emmanuel Macron de remettre les finances nationales sur les rails au cours des quatre prochaines années.
Le déficit public a grimpé à 5,5% du produit intérieur brut, soit 154 milliards d'euros (167 milliards de dollars), a indiqué l'agence statistique Insee.
Ce dérapage est "majeur" et "très, très rare" dans l'histoire budgétaire française, a déclaré Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, la plus haute institution de contrôle française chargée de veiller à la responsabilité budgétaire.
Le gouvernement avait déjà prévenu ces dernières semaines qu'il ne parviendrait pas à atteindre son propre déficit estimé à 4,9 % du PIB, citant comme facteurs clés le ralentissement économique mondial et la guerre en Ukraine.
Les recettes fiscales se sont avérées bien pires que prévu l'année dernière, a déclaré mardi le gouvernement.
La France a annoncé 10 milliards d'euros de réductions de dépenses pour atteindre son objectif de déficit pour cette année de 4,4 pour cent du PIB.
"Le déficit est devenu fou", a déclaré Marc Touati, économiste, sur X, ex-Twitter, qualifiant de "dangereuse" la dégradation des finances publiques.
Le ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire, s'est déclaré mardi "totalement opposé à toute augmentation d'impôts" visant à réduire l'écart.
"On peut parfaitement faire des économies sur les dépenses publiques sans mettre les poches des Français", a-t-il déclaré sur RTL.
Comme tous les membres de la zone euro, la France s'est engagée à maintenir son déficit en dessous de trois pour cent du PIB.
Cette exigence, convenue entre les membres de l'Union européenne dans le cadre de leur pacte de stabilité et de croissance, a été suspendue depuis 2020 d'abord pour permettre aux pays de faire face à la pandémie de Covid, puis aux retombées économiques de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Le Maire a déclaré mardi qu'il maintenait l'objectif de la France de ramener le déficit en dessous de trois pour cent du PIB d'ici 2027, promettant sa "détermination totale" à y parvenir.
Mais étant donné l'incapacité de la France à maîtriser le déficit de l'année dernière, les déficits cumulés rendent les obstacles au succès " encore plus grands ", a déclaré Mathieu Plane, économiste.
"Ça va être très difficile", a-t-il déclaré à l'AFP.
La dette du secteur public français s'élève désormais à 110,6 % du PIB, faisant du pays le troisième pays le plus endetté de la zone euro, surperformant seulement les retardataires de la Grèce et de l'Italie.
L'opposition politique s'est emparée de la situation budgétaire difficile du gouvernement, le chef de l'opposition conservatrice Les Républicains (LR) Eric Ciotti qualifiant Macron de "comptable de ce bilan désastreux".
Jean-François Husson, qui préside la commission du budget du Sénat, a déclaré que la politique gouvernementale était en "état d'échec" et que Le Maire était désormais "discrédité".
"Il s'agit d'un effondrement de l'autorité de la France en Europe", a déclaré Husson.
"N'importe quelle entreprise du secteur privé aurait limogé Emmanuel Macron pour cela", a déclaré Jordan Bardella, leader d'extrême droite du Rassemblement national (RN), à la chaîne FranceInfo.
L'augmentation des niveaux de déficit et d'endettement augmente les coûts de financement d'un pays, déjà croissants en raison des taux d'intérêt actuels élevés, fait grimper l'inflation et affaiblit la monnaie.
Dans le même temps, les coupes budgétaires visant à contrôler les déficits peuvent saper la croissance économique nécessaire à l'augmentation des recettes fiscales.
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