Philippe Bouchard, DG de Kliff par Randstad : "Le taux de chômage des personnes handicapées reste trop élevé"
Le 14 novembre dernier, l'adoption du projet de loi "Plein-emploi" par le Parlement a permis la pérennisation du dispositif "Entreprise Adaptée de Travail Temporaire" (EATT), visant à favoriser l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Pour l'occasion, nous avons interrogé Philippe Bouchard, directeur général de Kliff par Randstad, le réseau d'intérim exclusivement dédié aux travailleurs handicapés.
À l'occasion de la semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées, pourriez-vous nous dresser un état des lieux de l'emploi des travailleurs handicapés en France ?
D'une manière globale, le taux de chômage des personnes handicapées en France est toujours deux fois plus important que celui des personnes valides. Au total selon l'Agefiph, 2,9 millions de Français ont une reconnaissance administrative de leur handicap. Parmi eux, 460 000 sont inscrits à Pôle emploi. Le taux de chômage pour les personnes en situation de handicap atteint donc aujourd'hui entre 12 et 13 % (contre 7 % par rapport à la population globale). Depuis 2015, une amélioration est tout de même identifiable. Le taux de chômage des personnes handicapées atteignait alors 17 % !
Cette évolution positive doit tout de même être nuancée car la situation générale en France s'est également améliorée. Donc même si des efforts sont constatés, il y a encore un long chemin à faire pour inclure encore davantage de personnes en situation de handicap dans l'emploi durable.
Pourquoi le taux de chômage des personnes en situation de handicap est-il toujours aussi élevé dans l'Hexagone ?
Qu'on le veuille ou non, il y a, autour du handicap, de nombreuses idées reçues qui sont toujours véhiculées dans l'imaginaire collectif : embaucher une personne handicapée n'est pas toujours perçu de manière très positive. Et s'il n'y avait pas la loi, cela n'évoluerait pas. S'il n'y avait pas la sensibilisation dans les entreprises ou dans les écoles, cela n'évoluerait pas non plus.
Selon moi, il manque deux choses pour que le taux de chômage ne soit plus deux fois plus important pour les personnes handicapées par rapport aux autres personnes. Tout d'abord, il faut absolument que les mentalités changent dans le milieu professionnel. Les employeurs ne doivent plus percevoir le handicap comme un problème avant d'avoir réellement analysé l'impact qu'il aurait sur le travail. Ensuite, le deuxième élément qui manque encore trop à mes yeux est la formation. Il faut accompagner la reconversion professionnelle des personnes en situation de handicap vers des métiers qui ont besoin aujourd'hui de compétences.
Qu'attendez-vous de la part de l'État sur ce sujet ?
Nous avons évidemment besoin de l'État pour améliorer cette situation. C'est lui qui donne les règles, c'est lui qui indique les orientations... Et le projet de loi "Plein-emploi", adopté par le Parlement la semaine dernière, illustre cela ! Il pérennise notamment le dispositif de l'entreprise adaptée de travail temporaire (EATT). Expérimenté depuis 2019, ce dispositif a pour mission de favoriser l'accès à l'emploi, durable, à des personnes en situation de handicap via des missions d'intérim.
Par exemple, grâce à ce dispositif, notre réseau Kliff par Randstad, qui est le premier réseau d'intérim exclusivement dédié aux travailleurs handicapés, a permis à 400 personnes en situation de handicap d'être mises en emploi auprès d'une centaine d'entreprises. Parmi ces 400 travailleurs, 30 % ont ensuite été embauchés (en CDI ou en CDD) par l'entreprise qui les employait par intérim. Ce taux d'insertion est particulièrement encourageant.
Parallèlement, l'EATT peut également répondre aux problématiques de métiers en tension rencontrées par les entreprises. À mes yeux, l'EATT est donc un super dispositif ! Je me réjouis vraiment de sa pérennisation. Nous pouvons ainsi nous projeter vers l'avenir et permettre à de nombreuses autres personnes en situation de handicap de trouver du travail de manière temporaire dans un premier temps, puis plus durable dans un second temps.
Êtes-vous confiant pour les années à venir ?
Je suis plutôt confiant mais je reste réaliste. La situation ne va pas s'arranger d'un coup de baguette magique. Ça va prendre du temps. Durant les vingt dernières années, il y a eu des évolutions mais le fond reste toujours le même. J'observe tout de même que de plus en plus d'entreprises ont pris en compte la problématique du handicap. La situation devrait donc naturellement s'améliorer. Je compte aussi beaucoup sur les générations qui arrivent, qui devraient être moins sujettes aux tabous et aux peurs liées aux handicaps que les anciennes générations.
© Copyright 2024 IBTimes FR. All rights reserved.