Marine Le Pen tente de faire oublier son prêt russe
Le parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN) a déclaré avoir remboursé un prêt initialement contracté auprès d'une banque tchéco-russe qui, selon ses opposants politiques, démontrait ses liens avec le Kremlin.
L'argent restant - 6,1 millions sur les 9,4 millions d'euros initiaux (10 millions de dollars au taux actuel) - a été remboursé "à l'avance" à la société russe Aviazapchast, qui avait racheté la dette, a indiqué mardi le parti dans un communiqué.
Les responsables du RN espèrent que le désendettement pourra mettre fin à des attaques comme celle du président Emmanuel Macron l'année dernière, lorsqu'il accusait leur candidate Marine Le Pen d'être "dépendante du régime russe" et du président Vladimir Poutine lors d'un débat électoral.
Le Pen " parle à son banquier quand elle parle à la Russie ", avait alors déclaré Macron.
Le prêt "est utilisé comme un argument par mes adversaires, à mon avis injustement, et je n'ai pas l'intention de donner d'argument à mes adversaires", a déclaré le chef du RN, Jordan Bardella, au quotidien Le Monde.
Gagner des dizaines de sièges aux élections législatives après la réélection de Macron a donné au RN l'accès à des millions supplémentaires de financements publics, lui permettant de rembourser la dette russe avant l'échéance de 2028.
L'annonce du remboursement intervient un jour après que Le Pen a déclaré qu'elle était la "candidate naturelle" du parti pour se présenter à nouveau à la présidentielle en 2027, lorsque Macron aura atteint la limite de deux mandats.
Le prêt, initialement accordé par la Première banque tchéco-russe (FCBR), a maintenu le parti à flot depuis 2014, lorsqu'il affirmait que les prêteurs français refusaient d'accorder du crédit.
Rachetée plus tard par une société russe de location de voitures après la faillite du FCBR, la dette a fini par revenir à Aviazapchast, une entreprise de composants aéronautiques appartenant à d'anciens soldats russes.
Le RN a ouvert l'année dernière une enquête parlementaire sur l'ingérence étrangère dans la politique française, dans le but de se disculper des allégations selon lesquelles il agissait dans l'intérêt de la Russie.
"Si (le prêt) m'avait engagé dans quoi que ce soit, je n'aurais pas signé", a déclaré Le Pen aux députés.
"C'était ça ou la mort" pour le parti en raison de ses difficultés financières, a-t-elle ajouté.
Mais le rapport final de la commission estime que le RN était un " relais " pour la Russie dans la politique française, soulignant son " alignement " sur le message du Kremlin lorsque Moscou affirmait avoir annexé la péninsule de Crimée à l'Ukraine en 2014.
Le parti s'est également opposé à l'aide française à l'Ukraine depuis l'invasion russe l'année dernière et n'a pas voté lorsque le Parlement français a approuvé les candidatures de la Finlande et de la Suède à l'adhésion à l'OTAN.
Marine Le Pen "n'a donné aucun signe d'une véritable rupture avec le Kremlin", a commenté la chaîne publique FranceInfo dans un éditorial.
"Si demain elle continue à prendre des positions pro-russes, (elle) prouvera au moins que ce n'est pas par intérêt personnel, mais par un véritable choix politique."
L'avocat de Le Pen a déclaré jeudi qu'elle avait également versé près de 330 000 euros (350 000 dollars) au Parlement européen, où elle était accusée d'avoir employé illégalement deux personnes comme "assistants" alors qu'elle était députée européenne.
L'OLAF, organisme de surveillance de la fraude européenne, avait déclaré qu'elle devait 339 000 euros pour avoir payé la chef de cabinet de son parti Catherine Griset et son garde du corps Thierry Legier sur les fonds parlementaires.
Le Pen avait jusqu'à présent refusé de payer, insistant sur le fait que les deux hommes travaillaient effectivement pour elle au Parlement européen - ce qui a incité le service des finances de l'Assemblée à réduire son salaire et ses autres financements de 50 pour cent au cours de ses derniers mois en tant qu'eurodéputée en 2017, selon le site d'information français Mediapart.
Elle avait payé maintenant "pour éviter l'exécution forcée" du remboursement, "dont le fondement est toujours contesté par mon client", a déclaré l'avocat de Le Pen, Rodolphe Bosselut.
Cette décision "ne constitue en aucun cas une reconnaissance explicite ou implicite des revendications du Parlement européen", a-t-il ajouté.
Le Pen, qui a annoncé cette semaine son intention de se présenter une quatrième fois à la présidentielle en 2027, fait partie des 29 personnes faisant l'objet d'une enquête en France pour de prétendus faux emplois mis en place par des députés européens du RN.
Une décision est attendue prochainement quant à la poursuite ou non du procès.
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