Mahdi Mokrane, BCE
Mahdi Mokrane, Head of Global Investment Strategy, Research & Investment Solutions chez PATRIZIA DR

Avec les attentes largement répandues d'une baisse des taux de la BCE ce jeudi, trois questions clés se posent : premièrement, cette baisse aura-t-elle vraiment lieu ? Si oui, quelle en sera l'ampleur ? Et, peut-être plus important encore, quelle sera l'argumentaire de la banque centrale ?

Alors que les récents commentaires du chef économiste de la BCE, Philip Lane, suggèrent une réponse positive à la première question, il est toujours important de replacer les choses dans leur contexte. Si l'on prend en compte le sentiment du marché aux États-Unis, les investisseurs ont anticipé jusqu'à quatre baisses de taux de la Fed cette année avant de n'en espérer désormais plus qu'une, voire de commencer à spéculer sur une possible nouvelle hausse.

Peut-on penser que cela influencera la décision de la BCE ? Honnêtement, non, malgré les dernières données de mai sur l'inflation montrant une hausse inattendue des prix à la consommation dans la zone euro. Les données annuelles de l'IPC suivent toujours de près l'objectif de 2 % et beaucoup pensent que l'économie de la zone euro ne pourra plus supporter longtemps les niveaux actuels des taux.

Donc, si la réduction attendue se concrétise, quelle en sera l'ampleur et quelle histoire la BCE nous racontera-t-elle dans le cadre de son changement de politique ? L'opinion générale est une réduction de 25 points de base jeudi, mais il faut se rappeler que la BCE ne s'est engagée sur aucune voie particulière d'assouplissement après juin. Ainsi, toutes les oreilles resteront attentives à la narration autour des perspectives économiques et des attentes subséquentes pour les taux à long terme, ce qui est crucial pour le rôle de l'immobilier dans la construction de portefeuilles multi-actifs.

Si l'on regarde la courbe des rendements à terme, la pente est assez plate, les marchés anticipant une baisse lente des taux. En effet, la plupart des économistes prévoient des réductions graduelles sur une base trimestrielle, avec des estimations de baisse de 50 à 75 points de base cumulés cette année par la plupart des grandes banques centrales.

Cependant, même avec le scepticisme renouvelé autour de réductions plus rapides en Europe, chez PATRIZIA, nous pensons que celles-ci se produiront plus rapidement que beaucoup ne le pensent. La principale raison est que la croissance nette du crédit dans la région est devenue anémique tant au niveau des ménages que des entreprises, ce qui signifie que l'économie dans son ensemble ne peut pas se permettre les niveaux actuels des taux d'intérêt. De plus, nous remarquons que lors des précédents assouplissements monétaires, le schéma a presque toujours été plus agressif que prévu car les banques centrales tendent à attendre trop longtemps avant d'agir.

Maintenant, le plus crucial pour nous est de savoir ce qu'une réduction signifie pour l'industrie des actifs réels. Ce ne sera certainement pas la ruée que certains pourraient espérer, car une seule réduction n'aura probablement pas d'impact matériel sur la dynamique du marché du jour au lendemain, d'autant plus qu'elle a été largement anticipée, donc en grande partie prise en compte. Cependant, c'est sans aucun doute un pas dans la bonne direction pour créer une activité de marché plus favorable et constructive.

Du côté des transactions, nous pensons que l'Europe deviendra plus attractive à mesure que les écarts entre les prix demandés et offerts se réduiront, favorisant les opérations entre les acteurs du marché. Et cela aidera certainement les fondamentaux du marché sur les segments core ainsi que value-add à travers tous les secteurs et toutes les classes d'actifs, favorisant les investisseurs comme nous avec une forte conviction pour les stratégies core revalorisées et value-add plus audacieuses.

Du point de vue de la liquidité, nous anticipons un plus grand afflux de capitaux internationaux sur le marché, qui étaient bloqués et en attente d'être déployés. Pour les investisseurs qui restent suralloués aux actifs réels, nous pourrions même voir des vendeurs nets plus motivés. Et n'oublions pas ici le rôle des banques, car une réduction des taux fournirait les conditions nécessaires pour qu'elles relancent leurs prêts immobiliers, soutenant ainsi les valorisations et allégeant une partie de la pression sur les ratios de couverture des intérêts.

En fin de compte, c'est une histoire de cycles baissiers et de cycles haussiers, et une réduction des taux sera certainement suivie de nouveaux cycles haussiers sur le marché. De manière encourageante, cette année, nous avons déjà commencé à voir les premiers signes d'une stabilisation du marché des actifs réels avec une reprise de la levée de capitaux au premier trimestre, donc plus de " bull " revenant sur le marché ne fera qu'aider à maintenir cet élan dans une direction positive.

Patrizia est une gestionnaire d'actifs allemand.