Macron fait face à un "moment de vérité" sur la réforme des retraites en France
Un projet de réforme du système de retraite français, qui a déclenché des manifestations et des grèves massives depuis le début de l'année, est sur le point d'être voté au Parlement jeudi à un moment décisif pour le président Emmanuel Macron.
Le Sénat a adopté le projet de loi portant l'âge de la retraite à 64 ans jeudi matin, mais un scrutin à la chambre basse de l'Assemblée nationale prévu dans l'après-midi est considéré comme extrêmement serré.
Le gouvernement minoritaire de Macron dépend du soutien des députés du parti d'opposition Républicains (LR) et la marge ultime de victoire ou de défaite pourrait se résumer à une poignée de voix.
Après des mois de négociations, "tout le monde veut un moment de vérité", a déclaré à l'AFP sous couvert d'anonymat un haut responsable du parti de la Renaissance de Macron, bien que le président consulte encore ses alliés jusqu'en fin de matinée.
Un vote serait "très, très, très risqué" à la chambre basse, a déclaré jeudi le sénateur républicain Bruno Retailleau à la chaîne Public Sénat.
Une perte pour le gouvernement serait une humiliation pour Macron moins d'un an après avoir obtenu un second mandat avec un manifeste exhortant les Français à "travailler plus" afin de payer le généreux système de sécurité sociale du pays.
S'il estime que le risque est trop grand, il pourrait ordonner au Premier ministre Elisabeth Borne de faire adopter la législation à toute vapeur par l'Assemblée sans vote en utilisant un pouvoir controversé contenu dans l'article 49.3 de la constitution.
Faire passer la législation de cette manière, après des mois de manifestations et face à une opinion publique massivement hostile, risquerait d'enflammer le mouvement de protestation.
Une dissolution du parlement suspendu est une autre option pour le leader de 45 ans.
Les trains, les écoles, les services publics et les ports ont été touchés par des grèves au cours des six dernières semaines, tandis que certaines des plus grandes manifestations depuis des décennies ont eu lieu.
On estime que 1,28 million de personnes sont descendues dans la rue le 7 mars.
Une grève continue des éboueurs municipaux à Paris a vu environ 7 000 tonnes de déchets non collectés s'entasser dans les rues, attirant les rats et consternant les touristes.
La grève a été prolongée jusqu'à lundi prochain, avec la perspective de graves problèmes de santé publique conduisant à des appels croissants aux autorités pour qu'elles interviennent.
Le chef de la police de la ville, Laurent Nunez, a informé mercredi soir la maire Anne Hidalgo que le gouvernement utiliserait son pouvoir pour "réquisitionner" les travailleurs, ce qui signifie que certains d'entre eux seront contraints de reprendre le travail sous peine de poursuites.
Hidalgo a défendu les manifestations comme "équitables", bien que son bureau ait engagé des entreprises privées de traitement des déchets pour nettoyer les ordures dans certaines zones, y compris devant les écoles et les crèches.
Ailleurs, des travailleurs du syndicat CFE-CGC du sud de la France ont affirmé mercredi avoir coupé l'alimentation électrique d'une île présidentielle en Méditerranée utilisée par Macron pour ses vacances d'été.
Les enquêtes d'opinion montrent que les deux tiers des Français s'opposent à la réforme des retraites et soutiennent le mouvement de contestation.
Le gouvernement a fait valoir que le relèvement de l'âge de la retraite, la suppression des privilèges de certains travailleurs du secteur public et le durcissement des critères d'une retraite à taux plein sont nécessaires pour empêcher l'accumulation de déficits majeurs.
Le changement rapprocherait également la France de ses voisins européens, dont la plupart ont relevé l'âge de la retraite à 65 ans ou plus.
Les syndicats et autres critiques affirment que la réforme pénalisera les personnes à faible revenu dans les emplois manuels qui ont tendance à commencer leur carrière tôt, les obligeant à travailler plus longtemps que les diplômés qui sont moins touchés par les changements.
Si la réforme est votée, une question sera de savoir si les syndicats et les manifestants continuent leurs protestations et leurs grèves, ou si le mouvement s'essouffle.
Les implications politiques du vote en faveur d'une réforme à laquelle la majorité de la population s'oppose sont également incertaines pour Macron et le pays dans son ensemble.
La dirigeante d'extrême droite Marine Le Pen et le populiste d'extrême gauche Jean-Luc Melenchon espèrent tirer parti de l'impopularité de Macron, après avoir perdu face à l'ancien banquier d'investissement lors de l'élection présidentielle de l'année dernière.
Philippe Martinez, le patron du syndicat CGT, a prévenu cette semaine que forcer l'adoption de la législation sans vote reviendrait à "donner les clés de l'Elysée" à Le Pen pour la prochaine élection présidentielle en 2027.
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