La Défense, le quartier des affaires de la capitale française, vue derrière l'Arc de Triomphe à Paris
La Défense, le quartier des affaires de la capitale française, vue derrière l'Arc de Triomphe à Paris AFP

Les chefs d'entreprise français ont été plongés dans une nouvelle incertitude suite aux élections anticipées convoquées par le président Emmanuel Macron, qui risquent de renforcer l'extrême droite.

Les fédérations font preuve de légèreté dans leurs commentaires publics, conscientes qu'elles pourraient se retrouver à la table des ministres du Rassemblement national (RN) si le parti obtient une percée majeure lors des élections du 30 juin et du 7 juillet.

L'organisation locale d'entreprises U2P "respectera le choix du peuple, mais le RN doit dire plus précisément ce qu'il propose sur les questions ayant un impact fiscal, social et économique sur les petites entreprises", a déclaré à l'AFP son président Michel Picon.

Lors de la dernière élection présidentielle de 2022, le parti avait prévenu que les promesses du manifeste de la chef du RN, Marine Le Pen, "auraient de mauvaises conséquences pour les entreprises", a-t-il rappelé.

Les enjeux sont tels que le retour à l'âge officiel de la retraite à 60 ans – porté à 64 ans lors d'une réforme très impopulaire de Macron l'année dernière – et une répression encore plus sévère de l'immigration.

" Qu'est-ce que cela signifie pour les personnes qui travaillent pour nous aujourd'hui ? " " demanda Picon.

"Nous sommes des acteurs économiques qui ne se mêlent pas de politique", a déclaré Thierry Cotillard, patron de la chaîne de supermarchés Mousquetaires/Intermarché.

Mais "quels que soient les politiques, nous défendrons farouchement nos positions", a-t-il prévenu.

Le mandat du centriste Macron a été marqué par des réformes visant à faciliter la vie des entreprises et par une sollicitation très médiatisée des investissements étrangers.

En revanche, "nous ne savons rien" des projets du RN, a déclaré sous couvert d'anonymat le patron de la filiale française d'un grand industriel européen.

"Nous venons de voir les prémices d'une réindustrialisation depuis 10 ans, avec des politiques d'offre qui portent leurs fruits. Est-ce que tout cela va continuer ?" Il a demandé.

Le ministre des Finances de Macron, Bruno Le Maire, a exhorté mardi les entreprises à "prendre le risque" face à l'extrême droite.

Les groupes, dont le MEDEF, devraient "dire clairement ce qu'ils pensent des programmes économiques des différents partis" et mettre en garde contre "le coût des projets marxistes de Marine Le Pen", a-t-il ajouté.

Sans nommer aucun parti, le MEDEF a déclaré à l'AFP dans un communiqué qu'"une nouvelle campagne s'ouvre dans laquelle nous ne partageons pas certaines visions politiques, incompatibles avec la compétitivité des entreprises et la prospérité de notre pays et de nos concitoyens".

Le groupe des petites entreprises du CPME a appelé à la poursuite des politiques axées sur l'offre, de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et des réformes de l'État-providence.

L'agence de notation Moody's a également mis en garde contre la dette colossale de la France, qui s'élève à 3 000 milliards d'euros (3 200 milliards de dollars), qui, selon l'agence de notation Moody's, risque d'être dégradée en raison de "l'instabilité politique potentielle" liée aux prochaines élections.

"Quiconque s'engagerait dans des réformes coûteuses sans prendre en compte cet élément exposerait la France à un risque majeur", a déclaré la CPME.

Le responsable d'une société cotée au CAC 40, s'exprimant également sous couvert d'anonymat, a déclaré qu'il n'y avait aucune raison de paniquer car la victoire du RN n'était "pas une affaire gagnée".

Même s'ils le faisaient, disaient-ils, " tout le monde veut bouleverser les choses, mais une fois au pouvoir, être responsable des choses vous rendra responsable ".

Un secteur qui craint particulièrement une victoire de l'extrême droite est celui des énergies renouvelables, qui attend déjà depuis des mois une feuille de route du gouvernement s'étendant jusqu'en 2035 et comprenant des éléments tels que des sites pour d'immenses parcs éoliens offshore.

"Ce qui se passe est grave", a déclaré Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER).

"Nous sommes dans un état d'instabilité totale, au moment même où nous avons besoin de garanties juridiques et de clarté", a-t-il ajouté, estimant que "cela va nous coûter très cher".

"Nous avons une feuille de route claire selon laquelle nous devons éliminer les émissions de carbone", a déclaré Nicolas de Warren, président de l'association UNIDEN des grands utilisateurs industriels d'énergie.

"Ce qui est essentiel pour nous, c'est l'accès à une électricité bas carbone à des prix compétitifs, qu'elle soit nucléaire ou renouvelable".

En 2022, Le Pen a promis un parc d'environ 20 nouveaux réacteurs nucléaires, même si son calendrier pour 2031, visant à en livrer la moitié, a été jugé irréaliste.

Mais elle est également une opposante résolue à l'énergie éolienne, promettant un moratoire sur les nouvelles constructions et le démantèlement progressif des parcs existants, des projets incompatibles avec les engagements climatiques de la France.

"Les lois de l'économie et de l'énergie rattraperont" le RN en matière de pouvoir, a déclaré un électricien sous couvert d'anonymat.

"Nous avons besoin de plus d'énergie bon marché. Construire le nucléaire prend 10 à 15 ans. Que faire en attendant ? Et comment attirer les usines de batteries si nous ne voulons plus de voitures électriques ?" " a-t-il ajouté, citant un autre épouvantail de Le Pen.