Un oursin abyssal Plesiodiadema globulosum, un invertébré trouvé dans les profondeurs de la zone Clarion-Clipperton (CCZ) dans l'océan Pacifique
Un oursin abyssal Plesiodiadema globulosum, un invertébré trouvé dans les profondeurs de la zone Clarion-Clipperton (CCZ) dans l'océan Pacifique AFP

Les nations opposées à l'exploitation minière des minéraux en haute mer et celles favorables à l'exploitation des profondeurs des océans se sont heurtées mercredi à la Jamaïque, les deux parties affirmant que leur position aiderait à protéger la planète.

Les membres de l'International Seabed Authority (ISA), un organisme mondial peu connu chargé de réglementer le vaste fond de l'océan, sont enfermés dans un débat houleux sur l'avenir de l'exploitation minière en haute mer lors de leur réunion annuelle à Kingston.

"Nous ne pouvons et ne devons pas nous lancer dans une nouvelle activité industrielle alors que nous ne sommes pas encore en mesure d'en mesurer pleinement les conséquences, et donc risquer des dommages irréversibles à nos écosystèmes marins", a déclaré Hervé Berville, secrétaire d'État français chargé de la mer.

"Notre responsabilité est immense, et aucun d'entre nous dans cette salle ne pourra dire qu'il a ignoré l'effondrement de la biodiversité marine, la montée du niveau de la mer ou l'augmentation brutale de la température des océans", a-t-il prévenu lors d'un débat.

La réunion de cette année, qui doit se terminer vendredi, intervient après une date limite du 9 juillet déclenchée par le petit État du Pacifique de Nauru.

Cette étape légale a créé une nouvelle pression pour adopter un code d'exploitation minière en haute mer et a donné du carburant aux opposants qui espèrent bloquer purement et simplement cette pratique.

L'ISA est composée de 168 États membres, ainsi que de l'Union européenne.

En vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS), l'organisme est chargé à la fois de protéger les fonds marins dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale et de superviser toute exploration ou exploitation des ressources dans ces zones.

Certains pays veulent se dépêcher et commencer à récupérer les "nodules" ressemblant à des roches dispersés sur le fond marin, qui contiennent des minéraux importants pour la production de batteries tels que le nickel, le cobalt et le cuivre.

"Nous avons une fenêtre d'opportunité pour soutenir le développement d'un secteur que Nauru considère comme ayant le potentiel d'aider à accélérer notre transition énergétique pour lutter contre le changement climatique", a déclaré le président de la nation insulaire, Russ Joseph Kun.

Mais les ONG et les scientifiques affirment que le chalutage en haute mer pourrait détruire des habitats et des espèces encore inconnues ou potentiellement vitales pour les écosystèmes.

Ils disent également qu'il risque de perturber la capacité de l'océan à absorber le dioxyde de carbone émis par les activités humaines et que son bruit interfère avec la communication d'espèces telles que les baleines.

Une vingtaine de pays, dont la France, ont demandé une "pause de précaution" sur l'exploitation minière en haute mer, et ont récemment pris un certain élan politique.

Louisa Casson, de Greenpeace, a salué les nouveaux appels du Brésil et du Canada en faveur d'un tel moratoire, déclarant à l'AFP que "des fissures apparaissent dans ce qui était jusqu'à présent une forteresse pour les intérêts de l'industrie".

Mais plusieurs pays ont résisté à appuyer sur le bouton pause, notamment la Chine, qui a réussi jusqu'à présent à bloquer tout débat officiel sur la question.

Mark Brown, le Premier ministre des Îles Cook, a fait valoir que "la communauté mondiale doit utiliser tous les outils à sa disposition" pour lutter contre le changement climatique.

Mais il a appelé à ce que toute voie à suivre soit faite "de manière responsable et durable pour le bien-être à long terme de notre peuple et la préservation de notre environnement marin unique".

Le Conseil ISA, l'organe décisionnel sur les contrats, a déjà délivré plusieurs permis d'exploration des fonds marins, mais avec le dépassement de la date limite du 9 juillet, tout État membre peut désormais demander un contrat minier pour une entreprise qu'il parraine.

La semaine dernière, le Conseil de 36 membres s'est donné pour objectif d'adopter le code minier en 2025, mais sans s'accorder sur la manière d'examiner les demandes de contrats dans l'intervalle, suscitant la critique d'un "vide juridique".

Néanmoins, Nauru indique qu'il postulera "prochainement" pour un contrat avec Nori, une filiale du canadien The Metals Company, qui cherche à récolter des "nodules polymétalliques" dans la zone de fracture de Clarion-Clipperton (CCZ) dans le Pacifique.

En mars, cependant, le Conseil de l'ISA a noté que l'exploitation commerciale "ne devrait pas être effectuée" tant qu'un code minier n'est pas en place.

Sofia Tsenikli, de la Deep Sea Conservation Coalition, a déclaré mercredi que "l'ultimatum de Nauru n'a pas fonctionné".

"Le code minier est loin d'être développé et la majorité des États membres du conseil ont déclaré leur opposition à l'exploitation minière en l'absence de réglementation", a-t-elle ajouté.

Casson de Greenpeace, pour sa part, a vu les derniers développements avec optimisme, affirmant que "le monde se bat contre l'exploitation minière en haute mer".

"Il y a un gros combat à venir, mais le combat est lancé."

Trois types différents de zones de fonds marins sont explorés pour une exploitation minière potentielle
Trois types différents de zones de fonds marins sont explorés pour une exploitation minière potentielle AFP