La proptech ou le mirage des start-ups de l'immobilier
Du miracle au mirage ? Selon Stéphane Fritz, président de Guy Hoquet l'Immobilier, les start-ups de l'immobilier qui ont émergé ces 5 dernières années, généralement appelées "proptechs", ont promis une disruption majeure et ont attiré des investisseurs de tous horizons. Promesse non tenue !
Le vent du changement souffle sur le monde de l'immobilier comme sur un grand nombre de secteurs qui ont besoin de repenser leurs leviers. Les start-ups de l'immobilier qui ont émergé ces 5 dernières années, généralement appelées "proptechs", ont promis une disruption majeure et ont attiré des investisseurs de tous horizons. Mais alors que le marché se durcit, on commence à apercevoir que la majorité de ces entreprises sont loin d'atteindre l'équilibre financier. Certaines sont même en danger imminent. Du miracle au mirage ? Avis d'expert : Stéphane Fritz, président de Guy Hoquet l'Immobilier.
Une perception biaisée du marché immobilier
Le problème de la plupart de ces start-ups " miraculeuses " de l'immobilier réside dans leur constat de départ. Animées par des visions d'un marché immobilier inefficace voire dépassé, elles ont souvent été trop rapides à généraliser des expériences personnelles malheureuses. En se basant sur des postulats erronés, elles ont créé des solutions pour des problèmes qui n'existent pas toujours. En effet, le secteur de l'immobilier est complexe. Chaque transaction est unique, chaque client est différent. Construire un modèle d'entreprise basé sur une mauvaise expérience personnelle est une approche pour le moins simpliste, qui ne tient pas compte de la variabilité et de la richesse du secteur, ni même des réels enjeux ou besoins du client final.
Marketing : un coût insoutenable
Les exemples ne manquent pas dans la transaction, la gestion locative ou le syndic de copropriété. Dans leur quête de croissance à tout prix, nombreuses de ces start-ups ont dilapidé des fonds considérables en communication, espérant gagner des parts de marché. Mais dans un secteur aussi concurrentiel, les retours sur investissement sont souvent décevants. Pour 5 d'entre elles seulement, pas moins de 30 fonds d'investissements différents ont investi des millions d'euros " pour voir " ! Quatre ont changé de modèle, se tournant tantôt vers du service aux professionnels de l'immobilier (!), tantôt revenant aux honoraires au pourcentage sur le prix de vente, ou en quittant le monde réel pour le monde virtuel... Les budgets astronomiques dépensés pour attirer de nouveaux clients n'ont pas fait leurs preuves et ont montré, au contraire, combien il est difficile de rentabiliser ces entreprises sur leurs modèles dits " disruptifs ".
La fin des agences immobilières ?
Contrairement à ce que prétendent certaines voix et en particulier celles de ces start-ups, les agences immobilières traditionnelles répondent encore aux besoins des clients finaux. Elles continuent de jouer un rôle clé dans de nombreuses transactions, grâce à leur expertise locale et leur connaissance approfondie du marché. Affirmer que "les agences, c'est fini", non seulement ce serait prématuré, mais c'est surtout inexact. Au contraire, les grands réseaux comme les agences indépendantes ont, dans leur grande majorité, adopté les outils digitaux pour améliorer le service rendu aux clients. Lors de son étude menée début 2023, l'institut Baker Park* a démontré que les 2 premiers piliers des besoins clients en immobilier sont d'une part l'humain (professionnalisme, écoute, communication, transparence...) et d'autre part l'agence physique. Et lorsqu'on fait remarquer à ces mêmes clients qu'ils n'y vont peut-être plus, ou en tous cas moins, leur réponse ne se fait pas attendre : " j'ai besoin d'avoir une agence physique à proximité avec la possibilité de m'y rendre à tout moment, en parallèle des outils digitaux offerts ". La vérité des clients : l'agence physique rassure.
La médiocrité guette
Ne nous voilons pas la face pour autant : la médiocrité de certains professionnels de l'immobilier a nui à la perception du secteur. Pour autant, généraliser le manque de professionnalisme à l'ensemble de la filière est une erreur. La solution ne consiste pas à faire croire que les acteurs traditionnels ne sont plus pertinents comme le souhaiteraient nombre de start-ups, mais au contraire de relever le niveau de professionnalisme à travers l'ensemble secteur. La solution ne consiste pas non plus à rejeter l'ensemble de la proptech, mais à tirer le meilleur parti des véritables innovations technologiques qui viennent faciliter la tâche des professionnels pour mieux servir le client. Le meilleur algorithme d'estimation ne pourra jamais rivaliser avec l'avis de valeur d'un professionnel expérimenté, qui maîtrise les arcanes de son marché local. Les meilleurs agents immobiliers ne s'y sont d'ailleurs pas trompés : diversification de l'offre, augmentation de la qualité de service, perfectionnement de l'expertise et accompagnement au-delà des attentes font le terreau de la réussite d'une grande partie de la profession.
À l'heure où l'autorité de la concurrence vient chahuter l'intermédiation en transaction, prenant en exemple certaines proptechs pourtant déjà fragilisées par un modèle économique non-viable, devons-nous vraiment ouvrir les portes de la profession à quiconque souhaite exercer ? Je suis convaincu que non. Pour sécuriser l'achat et la vente immobilière des Français, la formation renforcée et la régulation sont nécessaires. C'est en formant mieux et plus encore, régulièrement, que nous apporterons la valeur ajoutée attendue par les clients et que nous les aiderons à sécuriser leurs choix. C'est en encadrant la profession que nous pouvons garantir que des professionnels compétents et éthiques servent les intérêts des Français. Est-il nécessaire de rappeler que l'acte de vendre ou d'acheter un bien immobilier est l'un des projets les plus engageants d'une vie, que ce soit financièrement ou émotionnellement ?
Ne nous y trompons pas : les start-ups ont indéniablement apporté de l'innovation au secteur immobilier. Plutôt que de jeter le bébé avec l'eau du bain, conservons le meilleur des deux mondes : la technologie d'une part et l'accompagnement humain d'autre part, pour son expertise et sa capacité à se mettre à la place du client pour mieux le servir.
Tribune de Stéphane Fritz, président de Guy Hoquet l'Immobilier
*étude Baker Park pour Guy Hoquet l'Immobilier, menée auprès de locataires, bailleurs, acheteurs, et vendeurs clients des réseaux Guy Hoquet, Century 21, Foncia, Orpi, Stéphane Plaza, IAD – février 2023
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