La France refuse d'arrêter les expulsions de migrants de l'océan Indien
La France a refusé lundi d'arrêter une opération controversée prévue pour expulser des migrants de son territoire insulaire de l'océan Indien de Mayotte, malgré l'opposition des Comores voisines et les affrontements entre les habitants et les forces de sécurité envoyées par Paris.
L'opération, baptisée Opération Wuambushu ("Reprendre" en langue locale), vise à expulser les migrants des bidonvilles urbains de Mayotte afin d'améliorer les conditions de vie des habitants du département le plus pauvre de France.
Quelque 1 800 membres des forces de sécurité françaises ont été déployés pour l'opération à Mayotte, dont des centaines envoyés de Paris, avec de jeunes habitants et des policiers s'affrontant dans le quartier de Tsoundzou à l'extérieur de la ville principale de Mamoudzou depuis dimanche.
Un responsable a déclaré que le nombre de migrants tentant d'atteindre le territoire français depuis les Comores par la mer avait également diminué depuis le début de l'opération d'inondation de la zone par les forces de sécurité.
"Depuis que nous avons augmenté les renforts, il n'y a plus de kwassas (petites embarcations) qui ont été repérées", a déclaré Camille Chaize, porte-parole du ministère de l'Intérieur, à la radio France Inter.
Les Comores, dont les trois îles se trouvent au nord-ouest de Mayotte, ont déclaré lundi qu'elles avaient refusé d'autoriser un bateau transportant des migrants depuis l'île. La plupart des migrants clandestins expulsés sont comoriens.
Il a également déclaré avoir suspendu le trafic de passagers dans un port où débarquent habituellement les migrants expulsés.
"Tant que la partie française décidera de faire les choses unilatéralement, nous prendrons nos décisions", a déclaré à l'AFP le ministre comorien de l'Intérieur Fakridine Mahamoud, ajoutant qu'aucun des migrants expulsés "n'entrera dans un port comorien".
La société de services maritimes du pays a également déclaré que le port de Mutsamudu suspendait le trafic de passagers de lundi à mercredi.
Il est prévu que les sans-papiers soient renvoyés sur l'île comorienne d'Anjouan, à 70 kilomètres de Mayotte.
"Nous n'arrêterons pas les opérations (...) de lutte contre la délinquance et l'insalubrité de l'habitat, avec leurs conséquences sur l'immigration clandestine", a déclaré à la presse le plus haut responsable parisien de Mayotte, le préfet Thierry Suquet.
Il a dit qu'il espérait "reprendre rapidement" les expulsions de bateaux vers Anjouan et espérait que l'impasse reprendrait par le "dialogue".
"Nous avons des intérêts communs avec les Comores, notamment la sauvegarde de la vie humaine en mer et le contrôle de l'immigration clandestine", a-t-il déclaré.
Mais il a ajouté : "L'objectif est qu'il n'y ait plus de bidonvilles à Mayotte... (ceux-ci) sont dangereux pour la santé de ceux qui y vivent".
Les premières expulsions des bidonvilles devraient commencer mardi matin, en commençant par un campement près de Koungou.
Mais les Comores ont déjà averti la semaine dernière qu'elles n'accepteraient pas les migrants expulsés dans le cadre du plan.
Les négociations intenses entre Moroni et Paris ces dernières semaines avaient évoqué la possibilité d'un accord de dernière minute.
Mais le dirigeant comorien Azali Assoumani, qui assure la présidence tournante de l'Union africaine depuis février, a déclaré qu'il espérait que l'opération serait abandonnée, admettant que Moroni n'avait pas "les moyens d'arrêter l'opération par la force".
En 2019, la France a promis 150 millions d'euros (161 millions de dollars) d'aide au développement dans le cadre d'un accord visant à lutter contre la traite des êtres humains et à faciliter le rapatriement des Comoriens de Mayotte.
On estime qu'environ la moitié des quelque 350 000 habitants de Mayotte sont étrangers, pour la plupart comoriens.
De nombreux migrants africains, notamment comoriens, tentent chaque année de rejoindre illégalement Mayotte. Ces traversées risquent de se terminer en drame lorsque les " kwassa kwassa ", ces petits bateaux de pêche à moteur utilisés par les passeurs, font naufrage.
Mayotte est la quatrième île de l'archipel des Comores que la France a conservée après un premier référendum en 1974, mais elle est toujours revendiquée par Moroni.
En mars 2011, Mayotte est devenue le 101e département français, ou région administrative, conformément à un autre référendum deux ans plus tôt.
Vendredi, le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin a confirmé que l'opération aurait lieu mais a refusé de donner une date pour son début.
Il a ajouté lundi que la France menait "une action résolue" contre la criminalité et les gangs à Mayotte "avec des moyens exceptionnels" et 26 personnes avaient été interpellées ce week-end seulement.
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