La France exploite le savoir-faire nucléaire pour recycler les batteries des voitures électriques
Dans le berceau du programme atomique français, des chercheurs mettent leur savoir-faire nucléaire au service d'un projet clé de la transition énergétique du pays : le recyclage des matières premières des vieilles batteries de voitures électriques, des panneaux solaires et des éoliennes.
L'Union européenne a fait du renforcement de ses capacités de recyclage un élément clé de sa stratégie visant à devenir moins dépendante de l'Asie pour les métaux critiques tels que le lithium, le nickel et l'argent.
Le bloc de 27 pays tente de combler l'écart avec la Chine, qui recycle déjà les batteries de voitures et possède ses propres réserves massives de matières premières et sa capacité de raffinage.
La réutilisation d'anciens composants pourrait aider des pays comme la France, qui ne possèdent pas de mines et dépendent des importations, à réduire l'écart.
Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) utilise son centre de recherche situé dans le centre sud de Marcoule pour trouver des moyens de recycler les composants utilisés pour les technologies propres.
Le vaste campus, où sont nés les programmes nucléaires et énergétiques de la France, est si sensible que les images de son emplacement sont floues ou pixellisées sur Google Maps.
Mais le CEA a offert aux journalistes une visite rare pour montrer ses travaux de recyclage en amont d'une conférence sur les métaux critiques qui sera organisée jeudi à Paris par l'Agence internationale de l'énergie (AIE).
De nombreuses techniques utilisées par les chercheurs de Marcoule proviennent de leur savoir-faire en matière de recyclage des déchets nucléaires, un domaine dans lequel la France est leader mondial.
L'objectif est de récupérer les matériaux et de les valoriser à l'échelle industrielle, précise Richard Laucournet, responsable du département matériaux nouveaux au centre CEA.
"Nous réfléchissons à la manière de stocker, convertir et transporter l'électricité, et à rendre la transition énergétique efficace", a déclaré Laucournet.
"Grâce aux outils de simulation développés ici, nous pouvons retraiter les terres rares des aimants."
Dans un laboratoire, des chercheurs scrutent une fenêtre d'un mètre d'épaisseur pendant qu'ils actionnent de grands bras robotiques ressemblant à des poignées de vélo pour découper des barres de combustible irradiées.
Les sections d'alliage sont placées dans des solutions acides chaudes pour dissoudre le métal. Il peut ensuite être à nouveau extrait à l'aide de solvants organiques et de décanteurs.
Le procédé permet de récupérer le lithium, le nickel, le cobalt et le graphite de la masse noire issue du broyage des cellules des batteries électriques des automobiles.
Les chercheurs affirment que la technique développée à Marcoule sera utile pour recycler les combustibles des futurs réacteurs nucléaires de quatrième génération ainsi que les terres rares des aimants.
Cette technologie est d'autant plus utile qu'il n'existe "pas de véritable filière de recyclage d'aimants" dans le monde hormis les ferrailles en Asie, souligne M. Laucournet.
Une autre technique du centre consiste à utiliser du dioxyde de carbone pour détacher et gonfler les cellules des panneaux solaires, permettant ainsi de récupérer le silicium et l'argent contenus à l'intérieur.
Pour les pales d'éoliennes, le CEA applique le même procédé à " l'eau supercritique " sur lequel il travaille depuis 20 ans pour éliminer la radioactivité des métaux à l'état liquide.
L'eau supercritique à très haute température et haute pression a le pouvoir de pénétrer à l'intérieur des matériaux et de briser les chaînes polymères des composites de fibre de verre ou de carbone qui composent les pales des éoliennes et les réservoirs d'hydrogène.
Le CEA travaille également sur la possibilité d'extraire des matières rares et critiques des déchets radioactifs.
"Il contient des métaux très rares et très coûteux, générés par la réaction nucléaire elle-même", parmi lesquels le palladium, le rhodium ou le ruthénium, précise Philippe Prene, responsable économie circulaire des énergies bas carbone au CEA.
Les matériaux comprennent le palladium, le rhodium et le ruthénium, qui peuvent tous être utilisés comme catalyseurs dans l'électrolyse de l'eau pour produire de l'hydrogène.
"Nous avons commencé des études pour les extraire et cela fonctionne", a déclaré Prene.
Il a ajouté que les matériaux recyclés pourraient un jour représenter 35 pour cent des besoins de l'Europe pour devenir autosuffisante en matière de fabrication de batteries.
Mais il a prévenu qu'"en aucun cas" un tel recyclage ne rendrait la France et l'Europe complètement autonomes.
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