Le président déchu du Gabon, Ali Bongo Odimba, a été accueilli pour la dernière fois au palais présidentiel français en juin.
Le président déchu du Gabon, Ali Bongo Odimba, a été accueilli pour la dernière fois au palais présidentiel français en juin. AFP

La France a condamné mercredi le renversement du président gabonais Ali Bongo Ondimba, qui pourrait représenter un nouveau revers pour Paris en Afrique où les gouvernements amis tombent dans une " épidémie " de coups d'État.

La France "condamne le coup d'Etat militaire en cours au Gabon", a déclaré le porte-parole du gouvernement Olivier Véran aux journalistes à Paris après que des militaires ont annoncé à la télévision qu'ils avaient renversé le gouvernement.

Véran a déclaré que la France suivait les événements "avec beaucoup d'attention" et qu'elle "réitère son désir de voir les résultats de l'élection respectés", faisant référence aux élections présidentielles contestées de samedi dans ce pays d'Afrique de l'Ouest.

L'autorité électorale gabonaise avait annoncé plus tôt mercredi que Bongo, un allié français dont la famille dirige le Gabon riche en pétrole depuis 55 ans, avait remporté un troisième mandat avec 64,27 voix.

La France compte environ 400 soldats déployés en permanence dans le pays pour la formation et le soutien militaire, y compris dans une base dans la capitale, et entretient des liens économiques étendus avec le pays dans les secteurs minier et pétrolier.

La disparition politique de Bongo – qui a été assigné à résidence avec d'autres hauts responsables, selon le nouveau régime militaire – s'inscrit dans la tendance des coups d'État en Afrique francophone ces dernières années.

Au Mali, au Burkina Faso et plus récemment au Niger, dans la région du nord-ouest du Sahel, de nouveaux gouvernements militaires ont adopté des positions ouvertement hostiles à l'égard de la France, exploitant le ressentiment ressenti par de nombreux habitants à l'égard de l'ancienne puissance coloniale et de son influence actuelle.

"La France officielle - son armée, ses représentants diplomatiques - sont littéralement chassées des pays du Sahel", a déclaré à l'AFP Jean-Hervé Jezequel, expert de la région au sein du groupe de réflexion International Crisis Group.

Au Gabon, les opinions et la politique du nouveau régime militaire restent inconnues, avec à sa tête le chef de la Garde républicaine, le général Brice Oligui Nguema.

Paris a maintenu une forte présence militaire dans nombre de ses anciennes colonies d'Afrique de l'Ouest, ainsi que des liens commerciaux étroits qui ont été promus dans le cadre d'une politique postcoloniale discréditée connue sous le nom de " Francafrique ".

Son soutien passé à des dirigeants corrompus et autoritaires a terni son image, tandis que la Chine et plus récemment la Russie se sont efforcées de saper son influence dans une région où elle était autrefois la puissance étrangère incontestée.

Le président français Emmanuel Macron a déploré lundi une "épidémie de putschs" lors d'un discours devant les ambassadeurs.

Le dirigeant français de 45 ans s'est rendu au Gabon en mars pour un sommet forestier, une démarche qui a été interprétée par certaines personnalités de l'opposition comme un signe de soutien à Bongo à l'approche des élections présidentielles contestées de samedi.

Lors d'un discours à Libreville, la capitale, Macron a nié toute ambition française d'ingérence en Afrique, affirmant que l'ère de la " Francafrique " était " bien révolue ".

Mais le coup d'État au Niger le mois dernier qui a renversé le président Mohamed Bazoum, un proche allié de la France, a conduit Macron à adopter une ligne dure avec le nouveau régime militaire qu'il a refusé de reconnaître.

La France y dispose de 1 500 soldats et compte sur ce pays pour servir de pierre angulaire de sa nouvelle stratégie militaire dans la région du Sahel, où elle lutte contre une insurrection djihadiste croissante menée par des groupes alignés sur Al-Qaïda et l'État islamique.

La France est intervenue militairement pour repousser l'avancée des extrémistes au Mali en 2013, à la demande du gouvernement de l'époque.

"La France ne gagnera pas à continuer de nier le tournant que nous observons au Sahel et peut-être plus largement en Afrique de l'Ouest", a déclaré Jezequel à l'AFP.

Le père de Bongo, Omar, était l'un des plus proches alliés africains de la France dans l'ère postcoloniale immédiate et Ali est depuis longtemps un habitué de Paris, où sa famille possède un vaste portefeuille immobilier qui fait l'objet d'une enquête de la part des magistrats anti-corruption.

Il a été accueilli pour la dernière fois au palais présidentiel en juin.

L'ancien président français François Hollande, un critique régulier du gouvernement, a déclaré que Macron n'avait pas réussi dans un premier temps à adopter une ligne suffisamment dure avec les putschistes au Mali en 2020 et avait approuvé les résultats d'un changement de pouvoir forcé par l'armée au Tchad en 2021.

"Il y a eu une forme d'acceptation des coups d'Etat militaires par la force", a-t-il déclaré mercredi sur Franceinfo.

Il a également souligné la lutte d'influence en cours en Afrique.

"Est-il possible qu'il y ait des influences étrangères, notamment des régimes autocratiques - la Russie et la Chine - qui tentent de déstabiliser ces pays (coupés par un coup d'Etat) et de réduire l'influence occidentale ? C'est évident", a-t-il ajouté.