Faut-il parler de son salaire au travail ?
Pour qui as-tu voté ? Combien tu touches ? Tu as pensé à te protéger ? À l'instar de la maladie, des opinions politiques ou de la vie intime, de nombreux sujets restent tabous dans la société. Le salaire en fait partie, et ce tout particulièrement dans le cadre professionnel. Jalousie, étonnement, rancoeur... Les conséquences d'une trop grande transparence sur la rémunération peuvent parfois être considérables.
Dans les colonnes de L'Express par exemple, une consultante relate comment l'un de ses collègues a créé un véritable bouleversement au sein de son entreprise en divulguant publiquement sa rémunération au sein d'un groupe composé d'une cinquantaine de collaborateurs de grade similaire. "Nous savons que nos salaires sont fondés sur une grille salariale, mais nous ne la connaissons pas exactement", expliquait-elle. Et cette révélation est loin d'être passée inaperçue...
Une étude menée par HelloWork, il y a quelques années, montrait que 83% des salariés français considèrent que les salaires sont un sujet tabou. De même, un employé sur deux ignore le montant de la rémunération de ses collègues. Plus édifiant : 78% ne connaissent pas le salaire de leur manager. Bien que tabou, le sujet du salaire dans une entreprise intéresse la majorité des collaborateurs : 51% d'entre eux aimeraient connaître la rémunération de leurs collègues et de leur manager.
Une transparence nécessaire ?
Justement, différentes tendances de transparence salariale sont apparues ces dernières années. En octobre 2018, le gouvernement a imposé aux grandes entreprises de plus de mille salariés la publication des différences entre les salaires des dirigeants et les salaires moyens. Parallèlement, bon nombre d'entreprises n'ont pas attendu les décisions politiques pour agir dans ce sens. Tandis que plusieurs start-up ont ainsi décidé de jouer la transparence sur le sujet, les grandes sociétés n'ont pas encore franchi le rubicon.
Et pourtant, les candidats aux offres d'emploi portent une importance significative à cette transparence avant de postuler : près d'un tiers d'entre eux assuraient ne pas vouloir poursuivre le processus de recrutement si le salaire n'était pas indiqué sur l'offre, selon une enquête menée par HelloWork en décembre 2022.
François Leverger, directeur général de l'entreprise de recrutement, a anticipé cette nouvelle tendance : "Il y a dix-huit mois, dans le cadre du lancement de la plateforme de recrutement hellowork.com, nous prenions une orientation forte : faire de la transparence notre leitmotiv au service d'un recrutement plus engagé. Nous avons mobilisé toutes nos équipes pour faire de cette promesse une réalité", explique-t-il dans un communiqué.
"Le secret salarial sera interdit"
Et les chiffres attestent cette volonté : En 2022, seules 15% des offres affichaient cette information. Aujourd'hui, sur les 900 000 nouvelles offres diffusées chaque mois sur HelloWork, 77% affichent le salaire, qu'il soit déclaré (50 %) ou estimé (27%). "Un bond en avant nécessaire mais pas encore suffisant à notre goût. Nous ne relâcherons pas nos efforts avant de voir cette jauge s'approcher des 100%", tempère François Leverger.
De plus, l'adoption du 30 mars 2023 par le Parlement européen des nouvelles règles sur la transparence des rémunérations contraindra la législation française à évoluer sur ce thème, dans les trois prochaines années : "Les travailleurs et leurs représentants auront le droit de recevoir des informations claires et complètes sur les niveaux de rémunération individuels et moyens, ventilés par genre. Le secret salarial sera interdit. Aucune clause contractuelle ne pourra empêcher les travailleurs de communiquer des informations sur leur salaire ou de demander des informations sur la même catégorie de rémunération de travailleurs ou sur d'autres catégories", était-il inscrit dans le communiqué publié par l'instance européenne. Le tabou sera-t-il enfin dissipé ?
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