Et si on piquait 250 milliards de dollars aux plus riches ?
POINTS CLÉS
- En 2022, les multinationales auraient transféré mille milliards d'euros vers les paradis fiscaux
- Les différentes mesures mises en place pour lutter contre ce phénomène s'avèrent être trop peu efficaces
- Selon l'Observatoire, un impôt de 2 % sur la fortune des milliardaires permettrait de récolter 250 milliards de dollars
Mille milliards de dollars. C'est la somme extravagante que les multinationales ont transféré vers les paradis fiscaux en 2022, "sans effet discernable des politiques mises en place jusqu'à présent". Selon le dernier rapport publié ce lundi 23 octobre par l'Observatoire européen de la fiscalité, cela équivaut à 35 % de l'ensemble des bénéfices enregistrés par les entreprises multinationales en dehors de leur pays d'origine et à une perte de 10 % des recettes fiscales de ces dernières, collectées à l'échelle mondiale.
Les différentes mesures mises en place par les décideurs publics sont-elles pertinentes pour lutter contre ce phénomène ? À la lecture des conclusions dressées par l'institution européenne, la réponse tendrait plutôt vers le "non"... En effet, l'ambition de réduire le transfert de bénéfices par les entreprises multinationales s'est traduite par le lancement du projet de l'Érosion de la Base et du Transfert de Bénéfices (BEPS) par l'OCDE en 2015 et par des politiques mises en place par outre-Atlantique en 2017. Cependant, l'étendue du transfert mondial de bénéfices semble n'avoir que trop peu évolué depuis ces deux initiatives. Une stagnation à 10 % de perte de recettes fiscales est observable ces sept dernières années.
Malgré tout, l'Observatoire européen de la fiscalité souhaite rester relativement optimiste : "Cela ne signifie pas pour autant que les initiatives politiques de la dernière décennie n'ont eu aucun effet : en l'absence de ces politiques, le transfert de bénéfices aurait peut-être été encore plus élevé aujourd'hui", précise l'instance dans le rapport.
Impôt minimum mondial : Tout ça pour ça ?
Un autre vent d'optimisme était identifiable en 2021, avec l'apparition d'une petite révolution fiscale : plus de 140 pays et territoires s'étaient mis d'accord pour mettre en œuvre un impôt minimum de 15 % sur les bénéfices des multinationales. Toutefois, comme souvent en matière fiscale, les résultats de cette initiative ne sont pas à la hauteur escomptée. Le rapport note un certain affaiblissement de cet impôt mondial : moins de 5% des recettes de l'impôt sur les sociétés au niveau mondial sont actuellement générées.
Différentes failles du mécanisme seraient à l'origine de ce phénomène. Principalement, la nouvelle règle fiscale n'a pas été pensée pour empêcher les multinationales à déplacer leur production vers des pays à très faible fiscalité, ce qui incite des paradis fiscaux à continuer de proposer des taux inférieurs à 15 %.
Des milliardaires quasiment exonérés d'impôts
Les grandes entreprises mondiales ne sont pas les seules à partiellement échapper aux différentes obligations fiscales. Selon le rapport, les milliardaires du monde entier ont des taux d'imposition personnels effectifs très faibles, compris entre seulement 0 et 0,5 % de leur patrimoine.
Comprenant les impôts sur le revenu et ceux sur la fortune (lorsqu'ils existent...), les impôts personnels effectivement payés par les milliardaires semblent se rapprocher de 0 % dans l'Hexagone (contre 0,5 % pour le pays de l'Oncle Sam). C'est largement moins important que les taux d'imposition effectifs des autres groupes de la population.
"L'une des principales raisons pour lesquelles les milliardaires ont tendance à avoir des taux d'imposition effectifs faibles est que, dans de nombreux pays (avec certaines exceptions), ils peuvent utiliser des sociétés personnelles de détention de patrimoine (autrement appelée holding familiale) pour éviter l'impôt sur le revenu", est-il expliqué dans le rapport.
Quelle solution suggérée ?
L'Observatoire européen de la fiscalité avance une proposition simple pour combattre cette injustice fiscale : la mise en place d'un impôt minimum sur la fortune des milliardaires égal à 2 % de leur fortune totale. Pour justifier cette recommandation, l'instance assure qu'une telle mesure permettrait de générer près de 250 milliards de dollars provenant de moins de 3 000 individus.
Tandis que la richesse des milliardaires mondiaux a augmenté en moyenne de 7 % par an depuis près de 30 ans, le taux d'imposition suggéré ne semble être particulièrement confiscatoire... Et serait très lucratif, au regard des estimations inscrites dans le rapport. Parallèlement, de plus en plus de milliardaires estiment qu'il n'est pas juste que leurs taux d'imposition soient moins élevés que ceux des classes moyennes : "Je suis riche, taxez-moi !", affirment ces derniers. De quoi motiver les décideurs publics ?
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