Comment l'or permet d'échapper aux sanctions économiques internationales
Le cours de l'or en euros a bondi de presque 7% en octobre pour atteindre le 30 octobre un niveau de 1888 euros l'once. Le cours a également refranchi la barre symbolique des 2 000 dollars l'once, un niveau que le métal jaune n'avait plus atteint depuis les mois d'avril-mai, période de stress financier intense avec les faillites de banques (Silicon Valley Bank, Crédit Suisse, etc.).
La forte hausse s'explique, selon le Conseil national de l'or, par le conflit au proche orient, qui entre dans sa quatrième semaine. Depuis le 7 octobre, date de l'attaque du Hamas, le métal jaune s'est apprécié en effet de plus de 9% en euros, et de 10% en dollar.
Le conflit au moyen Orient est au centre de toutes les préoccupations, particulièrement à un moment où les équilibres internationaux sont en pleine (r)évolution. L'indice de Risque Géopolitique (Geopolitical Risk Index) a bondi récemment et atteint un pic le 19 octobre. Depuis le début des années 2000, seuls 3 événements on atteint des niveaux plus élevés : les attentats du 11 septembre, la guerre en Irak, et l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Les achats de banque centrales continuent avec en particulier celui de la Pologne (19 tonnes en septembre) qui atteint ainsi son objectif annoncé d'acheter 100 tonnes de métal jaune en 2023. La question se pose de savoir si ce pays continuera sur sa lancée avec le retour d'une coalition de gauche au pouvoir. L'Inde (2 tonnes) dépasse désormais les 800 tonnes de réserves. Enfin parmi les autres acheteurs, notons l'Ouzbékistan (9 tonnes), la République Tchèque et Singapour (2 tonnes), ainsi que les Philippines (1 tonne).
La demande chinoise reste également soutenue. Selon la China Gold Association, la demande bijoutière a cru de 5% sur les 9 premiers mois de 2023 par rapport à la même période de 2022. Quant la demande de pièces et lingots, elle bondit de 16%. Un bond peu surprenant dans un pays en proie à une crise immobilière sérieuse, avec le défaut de paiement de Country Garden, le plus gros promoteur du pays, endetté à hauteur de 180 milliards de dollars.
Si l'or sert de valeur refuge en période de troubles géopolitiques, de hausse des taux et de forte inflation, il est aussi utilisé par certains pays comme monnaie d'échange pour échapper aux sanctions internationales, comme l'a montré la National Crime Agency (NCA) du Royaume-Uni. Elle a émis une alerte rouge au secteur financier, avertissant que la Russie utilisait l'or pour échapper aux sanctions imposées après son invasion de l'Ukraine.
La NCA a déclaré que des tentatives délibérées étaient faites "pour blanchir l'or sanctionné afin de masquer son origine afin qu'il puisse être caché dans les chaînes d'approvisionnement et vendu au Royaume-Uni et dans le monde".
L'or exporté par la Russie depuis juillet 2022 est "de plus en plus expédié vers des pays qui n'appliquent pas de sanctions sur l'or russe", a indiqué l'agence qui lutte contre la grande criminalité organisée et internationale.
Il peut ensuite être fondu et refondu ou raffiné, cachant ainsi ses origines.
En conséquence, le Royaume-Uni a annoncé mercredi avoir imposé 29 nouvelles sanctions contre " des individus et des entités opérant et soutenant les secteurs de l'or, du pétrole et stratégiques de la Russie ".
Parmi les personnes ciblées figurent un réseau basé aux Émirats arabes unis qui, selon le Foreign Commonwealth and Development Office, est responsable de l'acheminement de plus de 300 millions de dollars de revenus aurifères vers la Russie.
Le Royaume-Uni a également sanctionné deux des plus grands producteurs d'or russes, Nord Gold PLC et Highland Gold Mining Limited, ainsi que les oligarques russes Vladislav Sviblov et Konstantin Strukov.
L'or est l'une des sources de revenus les plus importantes pour l'effort de guerre de la Russie après le pétrole et le gaz, et représentait 12,6 milliards de livres sterling (15,5 milliards de dollars) pour l'économie russe en 2021.
"Cette alerte contribuera aux efforts, en partenariat avec le secteur réglementé, y compris les banques et les négociants de grande valeur, pour garantir que les individus sanctionnés ou ceux qui les représentent ne puissent pas utiliser l'or pour contourner les sanctions britanniques", a déclaré Adrian Searle, directeur du National Economic Centre de lutte contre la criminalité de la NCA.
La London Bullion Market Association (LBMA) accrédite les raffineries d'or du monde entier et fixe les normes de ce qui constitue l'or " London Good Delivery " – la norme mondiale de facto.
Les raffineries accréditées par la LBMA représentent jusqu'à 92 pour cent de la production annuelle mondiale d'or extrait.
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